
Un véritable exemple
Le Portugal affiche un taux de vaccination qui pourrait faire pâlir d’envie de nombreux gouvernements. Face à un tel succès, le pays, érigé en exemple, a même décidé d’alléger ses restrictions en rouvrant bars et discothèques.
(...) Barbara Serrano : Les politiques sanitaires en elles-mêmes n’ont pas été très différentes des politiques françaises pour ce qui concerne la vaccination. (...)
Les Portugais ont vécu 48 ans de salazarisme où l’État était tout sauf un État social, et qui a laissé une population très pauvre, sans instruction, ainsi qu’un service de santé très défaillant. L’État social a été absent, il est aujourd’hui beaucoup plus présent : 4 tests gratuits par mois, distribution de masques, d’ordinateurs pour les élèves afin de faire l’école en distanciel… Et les Portugais l’apprécient. Le vaccin qui leur est offert est perçu de la même manière : une opportunité d’accéder à ce que la recherche mondiale produit de meilleur.
Surtout, comparés aux Français, les Portugais ont une moindre confiance dans leur propre système de santé qui reste plus fragile que le nôtre. Cette défiance génère un sentiment de vulnérabilité plus important face à la maladie. C’est de l’histoire ancienne, mais aussi de l’histoire très récente (...)
Cette moindre confiance dans le système de santé national est corrélée avec, à l’opposé, une confiance forte dans l’exécutif. Le gouvernement portugais a très bien géré la crise en termes de communication. Le Président et le Premier Ministre ont été très clairs depuis le départ et ils n’ont pas essayé de cacher les faiblesses de l’État. Le Premier ministre a dit d’entrée de jeu que, compte tenu de l’austérité qu’a subie le pays par le passé, il n’y aura pas de respirateurs pour tout le monde et qu’il fallait éviter de se contaminer. Cet argument et ce franc-parler ont justifié des mesures de restrictions très fortes, plus fortes que chez nous, et qui ont été peu discutées.
Le gouvernement a depuis lors continué d’avancer de manière claire et transparente et l’ensemble du process a été bien conduit : des décisions éclairées par la science, toujours expliquées, des choix justifiés par des données objectivables... Ainsi, de la même manière que la population a accepté les mesures de restriction, elle a cru son gouvernement lorsque celui-ci lui a conseillé la vaccination. Il faut savoir que la France est championne toutes catégories en termes de défiance envers les institutions et envers les gouvernants, et ce depuis plusieurs décennies. Cette défiance s’est fortement accrue pendant ce dernier quinquennat. Le Portugal ne connaît pas ce problème à la hauteur de ce que nous connaissons. Le gouvernement est donc parti d’un niveau de confiance élevé de son peuple et n’a pas trahi sa confiance. (...)
Autre élément clé de la confiance : une grande cohérence entre le gouvernement et le monde scientifique en général, et les médecins en particulier. Tous les jeudis, un point est fait par l’exécutif et les médecins prennent ensuite le relais dans les médias pour expliquer les mesures, sans les critiquer. Il n’y a pas cette cacophonie que nous connaissons ici. D’abord parce que les médecins sont en phase avec les décisions prises par le gouvernement, parce que ces dernières sont guidées par la science, ensuite parce que les médias n’ont jamais traité le sujet comme une affaire d’opinion, mais comme une affaire scientifique. Que ce soit pour confiner ou pour se vacciner, tout s’est déroulé dans cette continuité.
Autre facteur sociétal important qui peut expliquer la forte adhésion des Portugais à la vaccination : la solidarité y est moins déléguée à l’État et reste très familiale. C’est une spécificité de l’Europe du Sud. (...)
Nombreux sont les grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants après l’école, et nombreux sont les enfants qui s’occupent de leurs parents âgés. Protéger les personnes âgées est sans doute un élément important, et cela peut expliquer aussi en partie le grand succès de la vaccination des enfants. (...)