
Vingt mutuelles et groupes mutualistes appellent les députés à rejeter la proposition de loi Duplomb, qui sera examinée par l’Assemblée nationale le 8 juillet. « Elle met en péril la santé publique et planétaire », alertent-ils.
Le 30 juin dernier, les conclusions de la Commission mixte paritaire faisant suite à la motion de rejet votée le 26 mai dernier, et ayant stoppé l’examen de la loi dite de « levée des entraves à l’exercice du métier d’agriculteur », ont été rendues. Vous avez, le 8 juillet prochain, la lourde responsabilité de vous prononcer sur ces conclusions, pour les accepter ou les rejeter.
Tout d’abord, nous souhaitons exprimer notre désapprobation profonde, sur la forme, du détournement de procédure législative qu’a constitué cette manœuvre. En effet, le dépôt d’une motion de rejet par le rapporteur du texte censé le défendre, visant à contourner le débat en plénière, a abouti à une discussion du texte dans des conditions inacceptables pour notre démocratie. Au lieu d’être menées en séance publique, les discussions ont eu lieu dans un cénacle restreint et opaque, dont les équilibres politiques sont bien différents de ceux présents à l’Assemblée et bien plus favorables au projet de loi.
La Commission Mixte Paritaire a pour objet la conciliation entre les deux chambres lorsque le débat mené à son terme aboutit à des conclusions différentes. Elle a pour objet de trouver des compromis sur des points de divergence, l’Assemblée ayant le dernier mot si un terrain d’entente ne peut être trouvé. Le recours à cette procédure ne se justifie donc qu’après un débat dans les deux hémicycles. Il est donc hautement problématique qu’elle ait été utilisée pour court-circuiter le débat dans la chambre élue au suffrage universel, dépositaire en dernière analyse de la souveraineté démocratique.
Les justifications avancées nous paraissent bien fragiles. (...)
« Au nom de la science et de la protection de la santé humaine »
Sur le fond de la loi, nous avions exprimé dans un précédent courrier [envoyé aux députés] notre désapprobation de son contenu, en particulier les dispositions prévues à l’article 2. Le texte prévoit la possibilité d’usage de l’acétamipride et de deux autres insecticides néonicotinoïdes, le sulfoxaflor et le flupyradifurone. Au vu de la menace qui pèse aujourd’hui sur la faune entomologique, avec des disparitions constatées par endroits de 80% des insectes, cette décision est irresponsable quelles qu’en soient les justifications économiques. Ces dernières, comme précisé dans notre précédent courrier, nous paraissent par ailleurs en toute hypothèse bien fragiles.
Ces insecticides font également peser un danger sur la santé humaine, au vu des soupçons d’effets nocifs sur le système nerveux des personnes exposées. C’est au nom de la science et de la protection de la santé humaine que vous avez été appelés à ne pas voter ces dispositions par 1200 médecins et scientifiques, puis par les présidents des sociétés savantes françaises d’hématologie, de pédiatrie, de neurologie, du cancer, d’endocrinologie, de santé publique, de réanimation, de médecine interne, de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, de pneumologie, neurovasculaire, de pathologie, de santé et environnement, les présidents de la Ligue nationale contre le cancer, de la fondation ARC pour la recherche sur le cancer, et le président du Conseil scientifique du Centre national pour la recherche scientifique (CNRS).`
Vers une réelle transition agricole
Le 27 juin dernier, dix directeurs et directrices de recherche au CNRS, pour la plupart membres de l’Académie des Sciences, enfonçaient le clou et affirmaient que « la proposition de loi Duplomb témoigne d’une vision court-termiste de l’agriculture et de ses conséquences sur l’environnement que nous partageons tous. Elle méprise la santé et le bien-être de la population ainsi que le rôle central des espèces sauvages dans la production agricole. Son adoption serait un recul majeur pour le bien commun, à un moment où citoyens et agriculteurs, conscients de l’importance des enjeux, souhaitent le développement d’une agriculture respectueuse des hommes et de leurs environnements, produisant une alimentation saine de manière durable ».
Force est de constater un réel tir de barrage scientifique, médical et académique face à ce projet de loi. Lorsque l’on fait la somme des arguments de fond contre le texte, et les conditions déplorables pour la démocratie de son examen, il devient proprement intenable de voter pour l’adoption de ce texte, qui ne peut que servir les intérêts à court terme de quelques filières tout en mettant en péril la santé humaine comme celle de l’environnement, en un mot la santé publique et planétaire. (...)
Nous vous appelons donc à voter contre ce texte et à emmener les politiques publiques agricoles vers une réelle transition agricole, qui aille vers une sortie des pesticides de synthèse en se basant sur la mise en œuvre de pratiques agroécologiques à large échelle, seule à même de faire face aux enjeux de santé et de protection de l’environnement qui sont ceux du 21e siècle.