Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
La Croix
Un an après le drame de Lampedusa, itinéraires de naufragés
Article mis en ligne le 15 octobre 2014

Il y a un an, le 3 octobre 2013, un naufrage coûtait la vie à 366 personnes au large de Lampedusa. La Croix a enquêté sur le sort des rescapés des traversées de la Méditerranée.

Hassan (1) flotte dans une chemise blanche désormais grise. Sa moustache naissante est timide comme ses yeux. Hassan a peur. D’être identifié ? Arrêté ? Expulsé de France ? Renvoyé au Soudan ? Par peur justement, il ne s’épanche pas. « La trentaine », murmure-t-il, en arabe, au sujet de son âge. « El-Fasher (la capitale du Darfour du Nord, NDLR) », dit-il seulement à propos de son origine.

Le récit du périple qui l’a conduit ici, accroupi contre le rebord d’un massif de fleurs à La Chapelle, à la limite des 10e et 18e arrondissements de Paris, est tout aussi sommaire : Soudan, Libye, Méditerranée, Lampedusa, péninsule italienne et France, où il est arrivé « en septembre ». La prochaine étape ? « N’importe où en Europe. » Voilà tout. Car ensuite, Hassan se tait.

Une nuit sur un carton

Cette nuit-là et les suivantes, le jeune homme dormira sûrement dehors, sur un carton, sous le pont de la ligne 2 du métro aérien parisien. Secouée à intervalles réguliers par le passage des rames, l’arche tient lieu de toit assourdissant à une quarantaine de jeunes Érythréens et Soudanais qui, comme Hassan, ont rêvé d’Europe avant de l’atteindre sur des bateaux de fortune et moyennant un juteux pactole – Hassan dit avoir déboursé près de 1 500 € pour la traversée de la Méditerranée.

Le jour levé, affamés, ils se nourriront dans une poubelle ou s’en remettront à une association. Bien sûr, ils ne pourront pas se laver, ce qui dissuadera certains de se rendre à la mosquée. « La prière si tu es sale, ce n’est pas possible », dit Yacoub, Soudanais, 21 ans, casquette « New York » sur la tête et des yeux en amande.

Ensuite, la police les arrêtera peut-être, pour relever leurs empreintes digitales avant de les relâcher. (...)

Jamais, jusqu’alors, le Vieux Continent n’avait connu une telle hécatombe sur son rivage. Frappés, les responsables européens s’étaient alors engagés à tout faire contre ce qu’il est désormais convenu d’appeler les « tragédies en Méditerranée ». Mais ils n’ont su dissuader Hassan et ses « frères » de s’embarquer.
Toujours plus nombreux à débarquer à Lampedusa

Originaires d’Érythrée, du Soudan, de Syrie, de Gaza, ils sont encore plus nombreux, cette année, à avoir pris le risque fou d’une traversée de « Mare Nostrum » et à avoir débarqué à Lampedusa. Quand ces désespérés parviennent sains et saufs en Europe, ils connaissent alors des destins divers qu’il est difficile, voire impossible, de reconstituer. (...)