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Mediapart
Algériens sans papiers : la France ne peut plus les expulser mais continue de les enfermer
Article mis en ligne le 21 janvier 2022

Dans un courriel confidentiel, le ministère de l’intérieur reconnaît l’impossibilité, à la suite des tensions diplomatiques entre Paris et Alger, d’éloigner les Algériennes et les Algériens sans papiers. Et pourtant : leur enfermement en centres de rétention se poursuit. Une situation « absurde » dénoncent associations et avocats.

« Les autorités centrales algériennes n’acceptent plus aucun retour forcé depuis la France. » Dans un courriel confidentiel daté du 6 décembre dernier, consulté par Mediapart et StreetPress, le ministère de l’intérieur admet se retrouver, s’agissant de l’éloignement des Algériens et Algériennes interpellées en situation irrégulière, dans une véritable impasse. (...)

Ses services reconnaissent en effet que cette procédure n’est possible que si la ou le ressortissant est volontaire, et prêt à payer son billet d’avion. Et pourtant, les interpellations et enfermements des intéressé·es dans les centres de rétention se poursuivent aux quatre coins de France. (...)

Une situation survenue « suite aux dernières tensions diplomatiques et politiques entre la France et l’Algérie, liées à l’annonce de réduction du nombre de visas [délivrés par la France –ndlr] en faveur des ressortissants algériens ». (...)

Si l’objectif était d’inciter ces trois pays, sous la pression, à reprendre des ressortissant·es que la France « ne veut pas et ne peut pas garder », c’est visiblement raté. La situation n’a fait qu’enflammer les tensions entre Paris et Alger.
Un enfermement « absurde » (...)

D’après La Cimade, association de défense des droits des étrangers, le dernier éloignement vers l’Algérie daterait d’il y a plus de deux mois.

Malgré tout, les ressortissant·es algérien·nes continuent d’être placé·es dans des centres de rétention administrative (CRA), où les étrangères et étrangers sans papiers sont enfermé·es en attendant l’exécution de leur mesure d’éloignement (...)

« On prive de liberté pour montrer les dents et fournir des chiffres au ministère de l’intérieur. » Flor Tercero, avocate (...)

Contactés, ni la DGEF ni le service communication du ministère de l’intérieur n’ont répondu à nos sollicitations.

Lorsque La Cimade a eu connaissance du courriel du ministère de l’intérieur, elle a formulé plusieurs demandes officielles de mise en liberté au nom d’Algérien·nes retenu·es. « De mémoire, il n’y a pas eu de vague de libérations, ironise Paul Chiron. Malgré le fait que les personnes refusent l’expulsion, on voit bien que l’administration ne lève pas la rétention pour autant. Alors qu’elle devrait être levée illico ! Les personnes subissent des privations de liberté pendant trois mois [le délai d’enfermement maximal en CRA –ndlr] alors qu’il n’y a pas de possibilité de les expulser, c’est hallucinant et absurde. » (...)

« Sans même parler du coût humain et émotionnel pour les personnes retenues, cette situation coûte énormément d’argent pour rien », rappelle l’avocate Flor Tercero.

Elle n’est pas sans rappeler celle du début de la crise sanitaire. En novembre 2020, La Cimade dénonçait déjà l’enfermement en rétention malgré la fermeture des frontières. (...)

Des candidat·es à la présidentielle réagissent auprès de Mediapart

À la veille de l’élection présidentielle, et alors que les relations entre l’Algérie et la France ne cessent de s’inviter dans les débats, Mediapart a souhaité faire réagir les candidat·es sur cette question des expulsions. Du côté de La France insoumise, on souligne que le programme prévoit de « faciliter l’accès aux visas, régulariser les travailleurs, étudiants, parents d’enfants scolarisés et instituer la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence. [...] Il est insupportable que la relation à la rive sud de la Méditerranée soit résumée à une supposée “menace migratoire” et que la Méditerranée soit devenue un cimetière pour migrants ». Et de rappeler que Jean-Luc Mélenchon a taclé Emmanuel Macron sur la polémique avec l’Algérie : « Un chef d’État, a fortiori français, doit peser ses mots quand il s’agit de l’Algérie au lieu de mettre de l’huile sur le feu. »

Chez Europe Écologie-Les Verts, Yannick Jadot pointe du doigt « la décision française de réduire le nombre de visas », qu’il qualifie de « brutale, idéologique et inhumaine. Elle ne peut qu’accroître les tensions ». Le candidat, s’il est élu, s’engage à chercher « à rétablir avec l’Algérie des relations diplomatiques apaisées, en particulier pour traiter de façon partenariale et sereine le sujet des migrations ». (...)

Pour la socialiste Anne Hidalgo, le sénateur Rachid Temal, président du groupe d’amitié France-Algérie, répond : « Il faut sortir de l’impasse stérile de Darmanin et Macron. Sur les visas, il faut en discuter avec les trois pays pour y revenir à terme, car nous avons des liens. »

À l’inverse, Valérie Pécresse (LR) se dit « favorable » à la réduction du nombre de visas attribués aux Algériens et aux Algériennes, dans le cadre d’une politique de « quotas ». Elle propose même de réviser la Constitution (...)