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Mediapart
Ultradroite : des terroristes si proches… des djihadistes
#ultradroite #extremedoite #djihadistes
Article mis en ligne le 20 juin 2023

Dans un rapport que Mediapart a révélé le 23 mai, le parquet général de la cour d’appel de Paris établit des rapprochements entre les militants d’ultradroite et les djihadistes, notamment sur les modes opératoires envisagés.

Si loin, si proches. En apparence, tout semble les opposer. D’abord une hostilité réciproque. D’un côté, les survivants du commando du 13-Novembre envisageaient de s’en prendre à l’association catholique intégriste Civitas ; le groupuscule aujourd’hui dissous Forsane Alizza s’intéressait aux sites islamophobes Riposte laïque et Fdesouche, ainsi qu’à des membres du Bloc identitaire.

De l’autre, l’Action des forces opérationnelles (AFO), démantelée en juin 2018, projetait de s’en prendre à des imams « radicaux », de jeter des explosifs sur une mosquée et d’empoisonner des rayons d’alimentation halal dans les supermarchés de la région parisienne.

Et pourtant, dans l’étonnante conclusion de son rapport, dont le contenu est dévoilé depuis une semaine par Mediapart (ici et là), le parquet général de la cour d’appel de Paris énumère les nombreux rapprochements qui peuvent être faits au gré des dossiers terroristes entre les militants d’ultradroite et les djihadistes. Un constat que nous avons confronté et tenté d’enrichir avec nos propres enquêtes dans les deux domaines (...)

Intitulée « Ultradroite et djihadisme : le miroir de la violence », cette conclusion du rapport souligne d’abord la reprise d’un même vocabulaire, des groupes de l’extrême droite américaine se réclamant à plusieurs reprises ces dernières années d’un « djihad blanc ». En 2019, Mediapart avait révélé la volonté de commettre des attentats visant la communauté musulmane que des individus exprimaient sur un site d’ultradroite dont le premier nom avait été « EuroCalifat »…

Au-delà de la sémantique, Naïma Rudloff, avocate générale et cheffe du département chargé de la lutte contre le terrorisme à la cour d’appel de Paris, dans un entretien publié vendredi dans La Croix, rappelle qu’il s’agit, « dans les deux cas, d’imposer un projet de société par la violence. Islamistes et militants d’ultradroite voient la société comme déviante et prônent tous deux la violence pour y remédier. Il s’agit d’imposer une forme de suprématie : l’un la race blanche, l’autre le projet islamiste. La quête d’une soi-disant ‘‘pureté’’ irrigue le terrorisme d’ultradroite comme le djihadisme. »

Le rapport du parquet général note que, « comme chez les djihadistes », les militants d’ultradroite théorisent une violence dans une version défensive : « Nous sommes attaqués (ou nous allons l’être), nous devons donc nous défendre ou pour le moins être prêts à nous défendre », résume le bulletin du parquet général publié confidentiellement en mars dernier. (...)

Les deux courants s’opposent mais se retrouvent également dans la définition d’un ennemi commun, les États-Unis et l’Union européenne. Ce qui permet même à certains à l’extrême droite – ils sont minoritaires – d’envisager un combat partagé. (...)

Autre point commun : terroristes djihadistes et terroristes d’ultradroite envisagent un même type d’eldorado : un pays en guerre. La Syrie pour les premiers, l’Ukraine pour les seconds (...)

Et, bien sûr, terroristes d’ultradroite et djihadistes partagent un même catalogue de haines : celle de la République, mais aussi celle des Juifs, des homosexuels, des femmes. (...)

Si les moyens diffèrent, leurs propagandes respectives agissent sur les mêmes ressorts et, malgré un référentiel passéiste, s’adaptent aux possibilités offertes par le monde moderne. « Comme chez les djihadistes, souligne encore le parquet général, l’apparition de nouveaux vecteurs de communication a favorisé les circulations idéologiques ainsi que la diffusion planétaire et en temps réel des actions violentes de l’ultradroite terroriste. »

Au même titre que l’État islamique qui avait su capitaliser sur les réseaux sociaux pour attirer de jeunes gens, l’ultradroite investit les forums de gamers et joue des codes de la culture geek. (...)

Interrogé il y a deux mois, un veilleur sur le Net ayant travaillé sur les djihadistes nous confiait son inquiétude face au phénomène d’expansion qu’il constatait à propos des militants d’ultradroite. « Ils grossissent très vite et sont en train de construire une idéologie très structurée. Ils fédèrent au-delà des frontières. Sur Telegram, c’est flagrant. (...)

Au-delà d’internet, le parquet général souligne que, « comme les djihadistes », les militants d’ultradroite recrutent dans deux sphères privilégiées : les salles de sport et la famille. (...) (...)
Dans son étude, la chercheuse Nele Katharina Wissmann estime que « comme dans le terrorisme islamiste, on retrouve de plus en plus de ‘‘loups solitaires’’ » chez les terroristes de l’ultradroite allemande. (...)
Mais, insiste le parquet général dans son rapport, « comme dans le phénomène djihadiste, ces individus ne sont seuls qu’au moment de commettre l’acte violent. Auparavant, ils ont tous fréquenté, a minima en ligne, un milieu militant, même virtuel, et ils ont baigné dans une prose haineuse où affleurent sans cesse les appels à l’action ».

Lors de l’entretien précité, le cyberpatrouilleur évoquait un autre point commun ayant trait au passage à l’acte : certains militants d’ultradroite témoigneraient, selon lui, d’« une fascination pour l’aspect sacrificiel de la chose ». (...)

À ce jour et au regard de dossiers en cours d’« association de malfaiteurs terroriste », les militants d’ultradroite n’ont pas adopté dans leurs répertoires d’action l’attentat-suicide. Ils ne manifestent pas un désir de mort particulier mais n’écartent pas cette possibilité non plus. L’un des mis en examen dans une affaire récente affirme qu’« il n’y a que deux issues : la prison ou la mort », tandis que le « suicide par police interposée » est également évoqué. (...)