Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Uber, Airbnb, Ebay… : la pseudo « économie du partage » planque ses bénéfices dans les paradis fiscaux
Article mis en ligne le 25 septembre 2015
dernière modification le 21 septembre 2015

L’économie dite « du partage » n’aime pas la répartition des revenus. Encore moins contribuer par l’impôt aux infrastructures des pays au sein desquels elle prospère. Quand il s’agit de fiscalité, les nouveaux acteurs du commerce et des services en ligne, tels Uber, Airbnb, Ebay ou Paypal, suivent la route tracée par les grands frères Google, Apple, Facebook et Amazon : celle du contournement fiscal. Avec la complicité de territoires comme le Luxembourg, le Delaware ou les Bermudes, vers lesquels leurs profits convergent. Les « start-up » françaises les suivent-ils ? A Leetchi ou vente-privée.com, on se défend de toute évasion fiscale. Enquête.

Comme les quatre géants du numérique (Amazon, Apple, Facebook, Google), ces nouvelles entreprises ont la fâcheuse tendance à tout faire pour ne pas payer ce qu’elles doivent à la société.

« Les géants du numérique profitent, comme toutes les entreprises multinationales, des failles des systèmes fiscaux nationaux et des accords bilatéraux pour pratiquer une optimisation fiscale réduisant drastiquement leur taux d’imposition, fait remarquer une note d’analyse sur la fiscalité du numérique du Commissariat général à la stratégie (France stratégie). Avant d’ajouter : « Du fait du caractère immatériel d’une large part de leurs activités et de la difficulté qu’ont les services fiscaux à définir le territoire concerné par les opérations de production, ils parviennent à exploiter ces failles de façon plus importante que les industries “classiques”. » C’est tout le problème de l’économie du net. Et ses acteurs en profitent à plein.

Amazon, par exemple, ne paie que 0,5% d’impôt sur son chiffre d’affaires hors des Etats-Unis (cet impôt est normalement de 33% en France). La librairie en ligne fait l’objet d’une enquête de la Commission européenne pour les avantages fiscaux dont elle bénéficie grâce à l’implantation de son siège européen au Luxembourg [1]. Et les services fiscaux français lui réclament 250 millions de dollars d’arriérés pour la période 2006-2010. Des procédures similaires sont engagées en Allemagne, au Canada, en Chine, en Inde, au Japon et au Royaume Uni ! [2]. Et les autres font pareil. Hors des Etats-Unis, Google ne paie que 2,2% d’impôt sur son chiffre d’affaires, Facebook 1,5% et Apple 1% [3]. Un modèle que reproduisent les nouvelles stars de la soi-disant « économie du partage »

Avec Airbnb, les profits séjournent en Irlande et au Delaware (...)

Ebay, Paypal, Netflix, toutes ces entreprises ont choisi, comme Amazon, d’implanter leur siège européen au Luxembourg. À croire que le pays de 500 000 habitants serait le poumon de l’économie européenne et disposerait de plusieurs générations d’informaticiens hors pair. Ces firmes ont pu y être attirées pour le taux de TVA avantageux que le Luxembourg proposait encore jusqu’à cette année : 15% contre 20% en France et au Royaume-Uni, ou 19% en Allemagne. Jusqu’au 1er janvier 2015, un « régime d’exception » permettait aux fournisseurs de prestations électroniques, de l’achat d’un livre (Amazon), d’un bien vendu aux enchères (Ebay) ou d’une série télévisée (Netflix), d’appliquer la TVA du pays vendeur et non du lieu où se trouve l’acheteur. Cette disposition a enfin été annulée. (...)

L’année dernière, le consortium de journalistes d’investigation ICIJ révélait avec son dossier LuxLeaks comment les autorités luxembourgeoises ont pris l’habitude de négocier des accords secrets avec des centaines de multinationales pour alléger les impôts ce celles-ci. Ce type d’accords, appelés tax ruling, permet de substantielles économies d’impôts, (...)

Price Minister, Leetchi, Vente-privée : que font les Français ?

Dans cet environnement fait de filiales et d’accords secrets, que font les champions du net français ? Le groupe propriétaire de Price Minister, le japonais Rakuten, a lui aussi implanté son siège européen au Luxembourg. Leetchi, la petite entreprise française de cagnotte en ligne et de service de paiement par Internet lancée en 2009 y a ouvert une filiale en 2012. « Mais nous payons tous nos impôts en France », assure le porte-parole de Leetchi.

La filiale luxembourgeoise répond uniquement à des exigences de développement, défend l’entreprise : « Nous avons eu à faire un choix pour obtenir un agrément bancaire de monnaie électronique », indispensable pour devenir un service de paiement en ligne pour des entreprises tiers. « C’est possible de le demander en France, mais nous avons choisi le Luxembourg pour des raisons de facilité. La procédure y est moins compliquée qu’auprès de la Banque de France. Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’employés au Luxembourg et des serveurs informatiques. Il y a des contraintes. Ce n’est pas une simple boîte aux lettres. »

Autre succès du net français : l’entreprise de commerce en ligne vente-privee.com, créée au tout début des années 2000, elle a enregistré 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Elle a ouvert deux filiales au Luxembourg en 2011, pour piloter le « développement à l’international, c’est-à-dire l’achat de parts dans d’autres entreprises », dit la communication de Vente-privée en réponse à nos questions. Et assure que « tous les revenus des filiales de Vente-privée reviennent en France ». Il est cependant impossible de connaître le nombre et le nom de ces filiales. L’information est confidentielle, nous répond l’entreprise. Pour sa filiale aux États-Unis, lancée en 2011 et qui devrait fermer prochainement suite à l’abandon des activités de la firme outre-Atlantique, Vente-privee.com avait en tous cas choisi de s’immatriculer, comme tous les autres, au Delaware.