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Trop d’humains sur Terre ? Le retour de la question démographique
Article mis en ligne le 7 mars 2014
dernière modification le 3 mars 2014

Sommes-nous trop nombreux sur Terre ? Deux livres, sortis coup sur coup en ce début d’année, relancent le débat autour de la question démographique en prenant appui sur des arguments écologiques. Reporterre propose un éclairage sur la question.

« Bientôt 10 milliards d’humains sur Terre. Combien de temps encore la planète pourra-t-elle fournir l’eau, la nourriture, l’énergie nécessaires ? » Les premières phrases de la quatrième de couverture du dernier livre d’Alan Weisman, Compte à rebours, jusqu’où pourrons-nous être trop nombreux sur Terre ?, sorti en janvier en France, donnent le ton. Pendant deux ans, l’auteur américain a parcouru le monde et quelques-unes de ses zones les plus densément peuplées – l’Inde, les Philippines, Israël – pour interroger la capacité d’accueil de différents écosystèmes. Il laisse peu de place au doute : « Existe-t-il un moyen pacifique et moralement acceptable de convaincre les humains de toutes les cultures, religions, nationalités, tribus du monde qu’il est dans leur intérêt de faire moins d’enfants ? » interroge-t-il. (...)

Il a été rejoint en février par un ouvrage collectif intitulé Moins nombreux, plus heureux. L’urgence écologique de repenser la démographie. Si les titres s’avèrent explicites sur l’idée de surpopulation, les deux travaux ont aussi en commun de baser leur réflexion sur des considérations écologiques : insuffisance des ressources naturelles, destructions de la biodiversité, changement climatique, etc. « Le constat est simple : une population moins nombreuse faciliterait l’organisation sociale, le partage de l’espace et donc l’émergence possible de relations apaisées entre humains et avec la nature », énonce Michel Sourrouille en introduction de l’ouvrage collectif qu’il a coordonné. (...)

Où en est-on aujourd’hui ?

Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa), la population mondiale a très officiellement franchi les sept milliards d’habitants le 31 octobre 2011. Selon le scénario central de la division de la population des Nations Unies, la Terre porterait neuf milliards d’humains en 2050.

« Cette projection est très crédible, juge Jacques Véron, chercheur à l’INED (Institut national d’études démographiques). Les six milliards de l’an 2000 ont été annoncés avec justesse cinquante ans avant leur survenue. De plus, l’inertie démographique rend peu concevable tout changement brusque. En réalité, le débat tourne plutôt autour de l’après-10 milliards, qui est pour l’heure bien plus difficile à anticiper ».

La courbe de croissance est impressionnante : la population mondiale a triplé en moins d’un siècle, passant de deux milliards d’humains en 1930 à six milliards en 2000. Elle a depuis, dans l’espace d’une décennie, augmenté d’un milliard (...)

Mais, selon Jacques Véron, « il n’y a pas d’indépendance entre les trois variables. On ne peut donc pas distinguer les effets sur l’impact final, car les trois variables agissent ensemble. On constate à peu près partout qu’une augmentation du niveau de vie et de consommation [variable A] s’accompagne d’une baisse de la population… » Autrement dit, le volume de population est d’abord lié à un état de richesse qui détermine les modes de consommation et les performances technologiques. (...)

Vouloir isoler le volume démographique de ses contingences économiques et culturelles serait donc un contre-sens : l’impact sur l’environnement d’une population est intrinsèquement lié à son niveau de développement et aux modes de production et de consommation qu’elle adopte.

Du casse-tête scientifique à la question de l’inégalité (...)

D’autres disciplines scientifiques proposent de leur côté des réponses à la question de la surpopulation. Concernant la disponibilité des ressources et la possibilité de nourrir un monde à dix milliards d’habitants, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) explique depuis plusieurs années que l’agriculture peut répondre aux besoins alimentaires de dix milliards d’habitants, voire douze : ce qui compte, dans cette optique, ce sont les méthodes de production et les modes de consommation, notamment à l’égard de la viande : pour un même apport alimentaire, sa production nécessite beaucoup plus de terre que les céréales.

De surcroit, la répartition des richesses joue un rôle crucial (...)

Par ailleurs, les données sur le changement climatique confirment l’importance relative du facteur population dans la réalité des perturbations. Pays les plus peuplés du monde, l’Inde et la Chine restent très loin derrière les Etats-Unis ou l’Union Européenne concernant les émissions équivalent CO2 par tête. Ici, c’est donc les modes de production et de consommation qui semblent aggraver le réchauffement climatique.

Un abaissement des émissions des habitants des pays les plus riches, donc une plus grande égalité mondiale, aurait ainsi un effet crucial sur le niveau global des émissions. (...)

Jacques Véron conclut : « Je ne vois pas aujourd’hui au nom de quoi on pourrait dire que nous sommes trop nombreux. Il ne s’agit pas de nier que la pression démographique a des conséquences sur l’environnement, mais d’éviter les discours réducteurs ou simplistes. Le problème, c’est de considérer que les détériorations environnementales soient du ressort de la démographie au premier degré. Est-ce que si l’on était moins nombreux, on respecterait pour autant plus les forêts et la biodiversité… ? »

Absente de l’agenda médiatique, la question de la surpopulation et de son lien de causalité avec la crise écologique est une question particulièrement sensible pour la sphère politique. Reporterre va y revenir dans une prochaine enquête.