
Les échauffourées récentes du quartier des Merisiers à Trappes, largement médiatisées, sont la énième répétition d’un scénario désormais classique : un contrôle d’identité musclé est effectué par des forces de l’ordre agissant en territoire conquis, les intéressés se rebiffent, certains sont placés en garde à vue, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre, les jeunes attaquent le commissariat du quartier et s’en prennent au mobilier urbain, les renforts de police affluent… et c’est l’escalade
Fait aggravant : la personne contrôlée par la police portait le voile intégral. Symbole du communautarisme islamique et de refus de l’ordre républicain, le voile représente une menace sérieuse pour les élites politiques dominantes qui ont fait de son éradication une priorité expresse. La dernière loi en date, celle du 20 octobre 2010 interdisant le port du voile intégral, à l’origine directe des événements de Trappes, est symptomatique de la vision néo-coloniale qu’elles ont des classes populaires issues de l’immigration.
La communauté musulmane vivant sur le sol français est régulièrement stigmatisée par les élites politiques et les experts et identifiée à une menace associée au terrorisme, aux trafics ou à l’intégrisme religieux. Cette tendance s’est affirmée depuis une vingtaine d’années et aujourd’hui la population maghrébine est érigée au rang d’un véritable ennemi intérieur, stigmatisation qui témoigne de la prévalence des politiques assimilationnistes[1]. Les discours alarmistes et racistes sont relayés par les mass media qui font pression auprès des instances gouvernementales pour le durcissement des mesures de contrôle de l’immigration et pour le renforcement de la protection de la population, parfois en lançant de véritables campagnes pour l’expulsion des immigrés clandestins. Ce rejet de la communauté musulmane prend la forme d’une stigmatisation de ses attributs identitaires religieux, en particulier du voile islamique qui a fait l’objet de nombreuses campagnes médiatiques depuis la fin des années 1980[2] lors de la montée en force du FIS en Algérie.
Les multiples « réflexions » ou « conventions » sur la réglementation du port du voile, dont les conclusions sont invariablement les mêmes, sont l’exemple type du débat-écran dont la fonction est de masquer les problèmes réels (recul des services publics et développement du chômage et de la précarité, en particulier dans les quartiers populaires) en présentant un bouc émissaire parfait c’est-à-dire visible, fragile et isolé.(...)