Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Terrible poison, l’amiante reste largement utilisé dans le monde
Article mis en ligne le 4 septembre 2017

Interdites en France et dans plus de 60 pays, la production et l’utilisation de l’amiante perdurent dans de nombreux pays du monde. Annonçant une épidémie de maladies mortelles. Signe d’espoir : au Brésil, un tribunal vient d’en interdire la vente dans l’Etat de Sao Paulo.

On l’appelait le « minerai miracle » : résistant, isolant, ininflammable, peu onéreux… Si à la mode dans les années 1970 que la ville de Paris en a recouvert entre 30 et 40 % de ses pavés. Sans compter les HLM, les universités et les immeubles où il a été intégré aux canalisations, au ciment et aux objets du quotidien à tout-va. C’était avant que l’amiante ne se révèle une bombe à cancers à retardement. Une fois inhalées, les particules ont une période de latence de 20 à 40 ans avant de provoquer un cancer de la plèvre. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’amiante ferait 3.000 victimes par an en France, et 107.000 dans le monde. « D’ici à 2025, le bilan mortel s’alourdira jusqu’à 100.000 morts sur le territoire français », observe la sénatrice Aline Archimbaud (EELV), rapporteuse au Sénat d’une loi sur le traitement des victimes de l’amiante.

Si des mesures strictes ont été établies en France en 1997 à l’encontre de l’amiante, à l’échelle internationale, le minerai poursuit sa route mortelle : on estime à 1,8 milliard de tonnes le chiffre de sa consommation annuelle. En 2017, plus de 90 % de la production se partage entre la Russie, la Chine et le Kazakhstan, et à très moindre échelle, le Brésil. Pour ces pays, l’amiante est resté une source de revenu et de travail importante, au point d’oublier le sillon de cancers creusé depuis un siècle. En particulier en Russie, qui produit plus de la moitié de l’amiante mondial.
Quant aux contrecoups mortels des particules d’amiante, les pays producteurs ont trouvé la parade : discréditer le danger. (...)

Et quand il s’agit de défendre leur gagne-pain, les lobbies de l’amiante n’hésitent pas à espionner les associations qui luttent contre elles et à bloquer les résolutions internationales en défaveur du minerai (comme nous l’expliquerons dans le second volet de notre enquête, à paraître demain).
Doute entretenu par les lobbies

Depuis que le marché européen s’est fermé à l’amiante, les multinationales qui le produisent se sont tournées vers les marchés asiatiques. « On assiste à une stratégie cynique, analyse Alain Bobbio, [les multinationales] ont redistribué leur production vers des pays en développement, telle que l’Inde. » (...)

« [Les industriels] disent que l’Inde et le Viêtnam sont des pays pauvres qui utilisent l’amiante de façon sécuritaire, dit à Reporterre Kathleen Ruff, figure historique de la lutte contre l’amiante au Canada. C’est faux. Aucun pays au monde n’a réussi à utiliser l’amiante chrysotile de façon sécuritaire. En France, au Canada, aux États-Unis, qui sont des pays privilégiés, il y a eu des épidémies de morts à cause des maladies. » L’amiante chrysotile est le principal type d’amiante.
Mais les cancers inquiètent peu les populations asiatiques : c’est le résultat du doute entretenu par les lobbies qui distillent rapports et conférences en sa faveur, ou simplement du manque d’information. (...)

C’est un désastre. » Un désastre d’autant plus important que, en raison du temps de latence des maladies provoquées par l’amiante, il est impossible de quantifier les victimes en Asie, même si les experts s’accordent sur l’augmentation exponentielle de leur nombre dans les années à venir.

Le commerce de l’amiante disparaît progressivement du paysage mondial (...)

Mais en dépit des efforts des industriels et des pays producteurs, le commerce de l’amiante disparaît progressivement du paysage mondial. Une nette baisse de la consommation s’est amorcée dans les années 1990. Depuis son interdiction au Danemark en 1972, ce sont désormais 67 pays qui ont interdit l’amiante, soit complètement, soit sous certaines formes. « Mondialement, c’est devenu une industrie peu importante, explique Bryan Kohler, même dans les pays qui restent importants pour l’industrie de l’amiante : la Russie, le Kazakhstan, etc. Dans l’économie nationale de ces pays, ce n’est pas une industrie très importante. »
Le Brésil, qui fut longtemps l’un des acteurs majeurs de cette industrie, met lui aussi peu à peu la clé sous la porte des usines d’amiante, comme vient de l’illustrer la décision jeudi 24 août du Tribunal fédéral. (...)