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Syriza osera-t-il relâcher les migrants bloqués en Grèce ?
Article mis en ligne le 30 janvier 2015

Alors que tout ce que l’UE compte d’autorités politiques ou économiques se rue sur le nouveau gouvernement grec avec des injonctions de conformité, coup d’œil sur ce qu’entraîne, pour les Grecs comme pour les migrants, le rôle de garde-frontière imposé à ce pays par la forteresse Europe.

Les migrants considérés comme les plus indésirables par l’UE sont ceux qui viennent du sud, et la Grèce, placée à la pointe sud-est du territoire européen, a la malchance de se trouver sur une des routes les plus fréquentées, surtout par des personnes fuyant la Syrie, l’Afghanistan et autres territoires ravagés par la guerre ou des régimes dictatoriaux. Elle se trouve de facto investie de la mission de barrer le passage à tous ceux qui souhaitent seulement la traverser pour aller vers les pays du Nord.

C’est le lieu d’intervention principal du programme Frontex, qui considère la frontière gréco-turque comme le « centre de gravité » de ses activités depuis 2010. Selon le réseau Migreurop, "Au fil des années, les voies de passage de la frontière ont évolué au gré des opérations de l’agence et de celles des autorités grecques. Par le passé, les migrants rejoignaient généralement la Grèce via la frontière terrestre dans la région d’Evros, située au nord du pays. Depuis août 2012, les associations turques ont constaté une nette augmentation des départs par bateau depuis la région d’Izmir (Turquie) en direction des îles grecques, en réaction directe au renforcement des contrôles à la frontière terrestre."

La Grèce a donc dû s’équiper de camps dans lesquels elle retient le plus de monde possible. Ce petit pays de 11 millions d’habitants enferme les gens (118000 en 2009) jusqu’à 18 mois dans 26 camps pour une capacité de 3900 places. Par comparaison, les autres pays de la frontière sud - Italie, Espagne et France dans sa côte méditerranéenne - n’ont ensemble "que" 2800 places réparties en 25 lieux de rétention, où ils ont enfermé en 2009 (année la plus récente avec des chiffres connus pour la Grèce) pratiquement le même nombre de personnes que la Grèce à elle seule.

De plus, en vertu d’accords de police internes à l’UE, c’est le premier pays abordé par un migrant qui doit le bio-ficher (néologisme de notre crû se référant à la prise des empreintes des dix doigts en plus du relevé d’identité) dans le dispositif Eurodac ; c’est là aussi que le réfugié est tenu de demander l’asile, en vertu du règlement de Dublin (voir ici une application corsée de cette obligation), avec une probabilité quasi nulle de l’obtenir. La Grèce, pays du Sud, garde-frontière contraint pour protéger les pays du nord d’une supposée invasion.

Du fait de la pression excessive sur ce petit pays, qui plus est appauvri, il ne faut pas s’attendre à des conditions d’enfermement cinq étoiles. De fait, la réalité est horrible, tant aux points de vue sanitaire et humanitaire que juridique. (...)

L’Italie se trouve soumise à une contrainte semblable. Ce pays a su se montrer créatif, comme le relate encore Migreurop : "L’Italie a pris en octobre 2013, en allant secourir des migrants jusque dans les eaux libyennes, une responsabilité que l’UE, qui se contente de déplorer hypocritement les « drames de la migration » à chaque annonce de naufrage tout en renforçant les contrôles, n’a jamais été capable d’assumer.

L’Italie a complété cette initiative d’une désobéissance salutaire à des règles européennes absurdes (...)

En mettant en place Mare Nostrum, en refusant l’injuste mécanisme du règlement Dublin, l’Italie a instauré, de fait, une forme de circulation naturelle pour pénétrer dans l’espace européen et pour s’y déplacer."

Une voie à méditer pour la Grèce ?