
Alors que le préfet a fait un point mardi sur l’accueil des migrants, Anna Grigoryan, réfugiée russe, raconte son combat et le soutien indéfectible des bénévoles
L
orsqu’elle voit le flux des migrants à la télévision, Anna Grigoryan revit les étapes de son propre exil jusqu’à l’obtention du droit d’asile, en 2013. « Ce jour-là, j’ai pleuré de joie devant l’employée de la préfecture », raconte-t-elle, à présent bien installée dans son appartement d’Eysines, pendant que ses enfants sont à l’école. « Il faut bien comprendre une chose, on ne quitte pas pour rien le pays où l’on a fait sa vie, où l’on a sa maison, sa famille, ses amis », insiste-t-elle.
Cette jeune Russe sait de quoi elle parle. En 2010, elle a déserté la région de Nijni Novgorod dans l’urgence, avec son mari et ses deux petites filles âgées alors d’un an et demi et 3 ans. L’engagement de sa famille en faveur de la cause arménienne les mettait en danger. Elle avait 25 ans. Elle était alors commerçante en objets d’art, titulaire d’un diplôme dans le tourisme.
Parcours du combattant
Les années qui ont suivi tiennent du parcours du combattant. Ou plutôt d’une combattante. Situation irrégulière, squats, tentatives de suicide, bataille judiciaire : Anna a affronté avec ses proches les pires difficultés avant de décrocher le précieux statut de réfugié et l’autorisation de vivre en France.
« Il faut sans cesse raconter son histoire, ses traumatismes, c’est très éprouvant moralement. On aimerait oublier, mais ce n’est pas possible », poursuit-elle, toujours entre rires et larmes. (...)
Aujourd’hui, Anna Grigoryan salue le mouvement de solidarité qui lui a permis de gagner la bataille. Les associations comme le DAL, le Secours catholique, le Réseau Paul-Bert, Médecins du monde, Réseau éducation sans frontières (RESF) en première ligne.
L’engagement des bénévoles
« Les bénévoles étaient présents chaque jour lorsque nous étions à la rue, parfois malades. Ils ont permis à ma fille aînée d’être toujours scolarisée même lorsque nous vivions ici dans l’illégalité. Il y avait aussi une dame, discrète, qui venait régulièrement nous demander la liste des courses pour acheter ce qui nous manquait. Un ange tombé du ciel. » (...)
À présent, Anna anime un atelier de cuisine au sein du centre social l’Eycho. Mais le chemin n’est pas terminé. Bénéficiaire du RSA, elle se démène pour trouver un emploi. Elle a suivi la formation liée à la cuisine de rue avec le chef étoilé Thierry Marx.
Plus tard, elle envisage de demander la nationalité française. Parce que la France lui a accordé sa « protection ». Et que ses filles ont l’accent bordelais.