
Six organisations assignent en justice cinq préfectures contre la dématérialisation des demandes de titres de séjour et les manquements dans l’accès aux droits des personnes étrangères.
M ême si on gagne devant les tribunaux administratifs, ces requêtes seules ne suffiront pas à rétablir un service public qui fonctionne », admet Lise Faron, chargée des questions « entrée, séjour et droits sociaux » à la Cimade. La responsable sait bien qu’une grande partie des empêchements aujourd’hui attaqués en justice relèvent de choix stratégiques et politiques. Il ne s’agit donc pas de dénoncer seulement des pratiques isolées, mais bien des « organisations préfectorales contraires aux lois » qui tendent à se généraliser partout en France, à la faveur d’un terrain juridique mouvant, évoluant au gré de l’agenda du ministère de l’Intérieur en matière d’accueil des personnes étrangères.
Le 30 mars, six organisations – la Cimade, le Syndicat des avocats de France (SAF), le Gisti, la Ligue des droits de l’homme, les Avocats pour la défense des droits des étrangers ainsi que le Secours catholique-Caritas France – ont donc décidé d’attaquer les préfectures de cinq départements : l’Hérault, l’Ille-et-Vilaine, le Rhône, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Toutes imposent la dématérialisation de certaines démarches pour accéder à un titre de séjour. Le 27 novembre 2019, le Conseil d’État confirmait pourtant que la saisine par voie électronique ne pouvait être le seul moyen offert pour recourir aux services de l’administration.
Plannings saturés
Concrètement, de quoi parle-t-on ? D’abord, de la prise de rendez-vous en ligne pour accéder à un guichet. Cette pratique, vieille de plusieurs années, s’est largement répandue depuis fin 2019 et plus encore à l’issue du premier confinement, au printemps 2020. (...)
Cette priorisation de la demande dépend entièrement de la préfecture, qui choisit elle-même le nombre de places qu’elle va rendre disponibles en fonction du fondement de la demande. (...)
Selon la responsable, il n’est pas rare non plus de constater des affichages incorrects ou illégaux sur les sites des préfectures. (...)
Outre ces priorisations, parfois illégales, les dysfonctionnements affectent la plupart des personnes qui souhaitent accéder au service public et à leurs droits. Elles sont contraintes de se connecter tous les jours et d’actualiser leur page à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pour espérer trouver une place. Le temps de cette longue attente, beaucoup voient leur titre de séjour expirer, n’ont pas (ou plus) l’autorisation de travailler et se retrouvent (ou restent) en situation irrégulière. Ce qui les expose à une interpellation, à un placement en centre de rétention (CRA) ou à des mesures d’éloignement. (...)