
Mediapart publie le texte de l’intervention prononcée par le sociologue Luc Boltanski, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, le 11 septembre dernier, à l’occasion du rassemblement Les Roms, et qui d’autre ? Sous le titre de Nous ne débattrons pas de la question Rom, il livre une analyse intéressante autant que déprimante du piège dans lequel nous fait tomber le pouvoir, à travers sa surenchère d’extrême droite...
Il n’était pas nécessaire de faire preuve d’une lucidité exceptionnelle pour saisir l’objectif politique immédiat de cette manœuvre : faire passer au second plan, et si possible effacer des médias, des discussions et surtout des esprits, l’impression, d’autant plus ravageuse qu’elle comporte des aspects carrément comiques, suscitée par l’affaire Woerth – Bettencourt...
...L’objectif n’est donc pas de supprimer la discussion, comme dans les vieilles formes de totalitarisme, mais de substituer un thème de discussion à un autre, étant entendu que l’espace de discussion est limité....
...Que nous soyons satisfaits ou indignés, au fond, pour cette forme de propagande, peu importe, du moment que notre attention se trouve occupée par une certaine question, au détriment d’autres, qu’il s’agit de tenter d’occulter. Et peu importe également, bien sûr, les ravages humains impliqués par la question mise au premier plan – aujourd’hui la « question Rom », demain d’autres « questions » similaires dont je vous laisse imaginer la teneur. Ce sont les dommages collatéraux d’une propagande efficace. Cette nouvelle forme de propagande, qui a assimilé les techniques de provocation, vise aussi à prendre la critique en tenaille....