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Article mis en ligne le 22 janvier 2019

Maire d’une commune du Tarn, je me suis rendu vendredi à Souillac, pour assister et (je croyais) participer à la réunion proposée par le président de la République. J’en fais un C.R. à mon conseil. J’ai analysé la manière dont le tout était organisé, et la communication mise en place. Et comment, il n’y a pas eu une seule seconde de débat, puisque personne n’a pu répondre au président.

J’ai rarement assisté à une réunion aussi mal organisée, mais peut-être aussi bien pensée.

Le président Macron a donné une courte introduction dans laquelle il appelait au consensus. Sur ce mot tout le monde peut s’entendre, et je crois assez qu’il faudrait trouver des solutions de consensus. Mais un consensus, il faut le passer avec les autres, pas entre soi. On va voir où se situe le problème.

Il y a eu les 30 à 40 questions d’élus choisis - paraît-il - par les préfets. Si l’intervention du représentant des maires ruraux du Lot qui a « bousculé » Macron a été relayé comme un moment de grande liberté de parole, il faut bien reconnaître qu’il aura été le seul. Mais les intervenants avaient été bien choisis pour qu’il n’y ai pas de vagues. Et il n’y en a pas eues.

Vient ensuite la grande confusion. Au fur et à mesure des interventions, chacun y est allé de sa route nationale qui n’a pas été refaite, de son intercommunalité qui marche mal, de son petit quant à soi local. Dans la salle, nous étions nombreux à recevoir ces sms de personnes qui suivaient le débat, et qui nous écrivait « le rendu est nul », « affligeant », « niveau zéro de la politique », « de la soupe »… Et dans la salle aussi, un vrai malaise, du grand hors sujet qui se mettait en place.

Je vous détaille ci-après, ce que j’ai vécu lors de cette journée dans le Lot. (...)

. Telle que s’est déroulé la réunion, on pouvait penser à un congrès régional des maires qui se serait passé indépendamment de ce qu’il se passe dans le pays.
Le moment fort, le moment de malaise. Il y a eu un moment fort, quand le maire de Trèbes à pris la parole. C’est le seul moment où il y a eu une vraie salve d’applaudissement. Je ne connais pas ce maire, j’ai vu qu’il ne s’attendait pas à ce qu’il lui est arrivé quand on lui a donné la parole. Je me reconnais dans cet élu.
La maire de Montauban ou le grand malaise. (...)

Dans la souffrance des gilets jaunes, elle voit le mal de « cette vieille dame qui se serait faite sodomiser par un algérien en situation illégale ». La maire de Montauban, quitte là, les rives de la politique pour se parler à elle-même.
Le sujet absent : les gilets jaunes !
Le plus étrange dans ce débat, c’est l’absence de relais des questions posées par les gilets jaunes à 3 ou 4 exceptions près. Il me semble qu’un seul a évoqué l’ISF, alors que ce sujet a l’approbation de 77% des français. (...)

Que les admirateurs du président se rassurent.
Sur les GAFAM, tout le monde peut dormir tranquille, car pas une seule question n’a été posée, et plus largement sur les multinationales, sur le glyphosate, sur les paradis fiscaux, ces termes mêmes n’ont jamais été employés (sous réserve que mon attention n’ait décliné pendant les 3 heures de question).
Tout au plus un élu, manifestement macronien, a dit qu’il fallait protéger la liberté de la presse. Et puis quelques moments de grande solitude car près de la moitié des intervenants étaient des proches de Macron qui se devaientd’intervenir pour servir le président. (...)

Il faut immédiatement tordre le cou à une expression, il ne s’agit pas du tout d’un grand débat. Un débat, un échange, c’est une situation ou une personne donne une opinion, une autre lui répond, et le premier peut revenir sur la réponse donnée et permettre à ce jeu de ping-pong de se poursuivre. En l’occurrence, il ne s’agit pas du tout de cela.

Etape 1 : les Préfets (de la République et accessoirement du pouvoir en place) choisissent ceux qui vont poser des questions et manifestement ceux qui ne vont pas faire de vagues. (...)

Etape 2 : un moment très bref, mais très théâtral pour le démarrage de la réunion. (...)

cette étape est très importante, car elle participe d’une mise en scène très calculée d’une vassalisation des intervenants.

Etape 3 : la fixation des règles du jeu et quid dela participation citoyenne ? (...)

C’est une technique d’asservissement en réunion. Tous ceux que l’on met dans une posture d’attente de réponse ne proposent plus rien au « débat », mais mettent en scène l’organisateur. Ceci était très bien fait.

L’exercice était doncune mise en scène du programme et du plan d’action de Macron et jamais un débat, un échange constructif.

Etape 4 : les 30 à 40 questions (pardon, mais à un moment donné, j’ai perdu le compte)

Il faut bien se le dire, dans la salle, c’était l’overdose,long, fastidieux, lesinterventions très inégales, quelques-unes franchement ridicules, nos portables vibraient de SMS désappointés. Mais cela fait partie du jeu. (...)

le président Macron sait manier les mots, personne ne le nie. Mais ce n’est pas forcément ce qui fait sens (...)

De plus la cacophonie forcée liée à la multiplicité des acteurs permet de faire apparaître le discours porté par un seul homme comme étant plus cohérent.

Etape 5 : le président va répondre.

A partir de l’étape 4, l’exercice pour le président devient ultra simple. Pour celui qui répond à tout, il suffit de prendre note dans l’ordre des prises de paroles les sujets abordés par tous les intervenants, et pour le président de dérouler son plan d’action sans rien changer de ce qu’il dit depuis qu’il est en place.

Ce qui m’étonne c’est que des chroniqueurs qualifient cela de « performance ». Je suis à peu près sûr que ce même exercice proposé à tout président de Régions donnerait le même résultat. (...)