
Un rapport remis à la ministre de la santé cette semaine propose de rendre légal ce qui existe déjà dans quelques petits hôpitaux ruraux : des services d’urgences fermés la nuit, par manque de médecins.
Un patient « le ventre ouvert » dans son ambulance, Lionel file vers l’hôpital de Gap. En pleine nuit, parti de la région de Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence, il « bombarde » au volant. « Je suis arrivé à Gap en une demi-heure, sinon c’est quarante-cinq minutes. » Il y a cinq mois, une dizaine de minutes auraient suffi, le temps d’atteindre les urgences de Sisteron. Mais elles affichent désormais portes closes la nuit.
Une telle fermeture, aujourd’hui juridiquement bancale, pourrait devenir la norme dans les petits hôpitaux. Dans leur rapport rendu à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, jeudi 19 décembre, Thomas Mesnier et Pierre Carli proposent en effet la création d’« antennes de service d’urgences », sorte d’urgences en pointillé. L’idée : assouplir les règles d’autorisation de ces services − l’ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre − afin de pouvoir ouvrir uniquement en journée. (...)
Une telle réforme, si elle est suivie par la ministre, reviendrait en réalité à légaliser ce qui s’applique déjà, car Sisteron n’est pas un cas isolé. A Saint-Vallier, dans la Drôme, les urgences sont fermées la nuit depuis plus d’un an. Au Bailleul, dans la Sarthe, ce fut le cas trois semaines en début d’automne, et le SMUR − ambulance avec un médecin urgentiste embarqué, pour les urgences vitales − n’est pas revenu. A Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), il n’y a pas eu de service d’urgences la nuit du 1er au 31 août. (...)
Dans un rapport de 2015, Jean-Yves Grall, directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes, suggérait une solution encore plus radicale : la fermeture des urgences qui accueillent moins de 8 000 à 10 000 patients par an, pour les transformer en simples centres de consultations. Si environ 10 % des passages aux urgences sont effectués entre minuit et 8 heures, « il y a beaucoup de services d’urgences qui ne voient qu’un ou deux passages par nuit, analyse-t-il. Faut-il garder ces médecins qui, au fond, viennent dormir dans ces petites structures, à l’heure où on cherche partout des urgentistes ? » C’est le nœud du problème. (...)