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La gazette des communes
Sécurité, rôle des maires, ZSP : le bilan sans concession du sociologue Laurent Mucchielli (1/2)
Article mis en ligne le 30 avril 2016
dernière modification le 27 avril 2016

Alors qu’il publie un nouvel ouvrage collectif sur Marseille, le sociologue et directeur de recherches au CNRS, Laurent Mucchielli, estime que les pouvoirs publics n’ont « aucune vision et aucune stratégie globales » en matière de sécurité. Il plaide en faveur d’un « véritable service public d’accompagnement » des collectivités territoriales. Première partie de notre entretien.

Alors que l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux, qu’il a dirigé pendant 5 ans, a quasiment fermé ses portes en décembre dernier, le sociologue Laurent Mucchielli revient, dans un livre qui paraît ce mois-ci, sur les enseignements de ce « laboratoire » scientifique unique en France, voué à réunir des chercheurs pour accompagner les communes.
Intitulé « Délinquances, police, justice – enquêtes à Marseille et en région Paca », l’ouvrage présente les principales études issues de cet Observatoire et bat en brèche les idées reçues sur la violence supposée de la capitale phocéenne et de sa région : le cas du grand banditisme mis à part, il n’y a pas de spécificité délinquante propre au sud de la France, nous expliquent les auteurs, qui, chiffres à l’appui, démentent les clichés et nuancent le tableau général en soulignant l’intérêt des enquêtes de victimation et l’importance des variables socio-économiques.

Au-delà de l’étude de terrain, Laurent Mucchielli livre une série de réflexions sur la mission de l’Observatoire visant à accompagner les communes dans la définition d’un diagnostic et dans l’élaboration de leurs politiques locales de sécurité.
C’est sur le bilan de ce partenariat inédit entre le monde de la recherche et des collectivités territoriales et plus largement sur le pilotage des politiques locales de sécurité et de prévention de la délinquance que le Club prévention sécurité de la Gazette l’a interviewé. L’occasion de revenir sur l’évolution du rôle du maire en matière de sécurité, sur fond d’état d’urgence et de lutte contre le terrorisme.

Dans votre nouvel ouvrage collectif, paru ce mois-ci, vous faites un bilan « plutôt négatif » de la collaboration engagée par les chercheurs de votre Observatoire avec les collectivités de la région PACA. Comment expliquer la réticence des élus locaux à jouer le jeu de l’évaluation ?

Par au moins trois raisons :

Primo, la sécurité est un thème tellement politisé et médiatisé que cela suscite les discours les plus démagogiques et les plus simplistes, qui cherchent à mobiliser les citoyens sur le registre de l’émotion et non de la rationalité. Du coup, les élus agissent souvent davantage en fonction du sentiment d’insécurité que de l’insécurité réelle.
Secundo, les maires et leurs adjoints ne sont pas formés sur ces questions. Ils connaissent mal les outils à disposition de même que le fonctionnement des institutions pénales (police, justice) et ils ignorent tout des recherches scientifiques.
Tertio, les élus sont sollicités de façon quasi quotidienne par les citoyens, du moins une partie d’entre eux, ceux qui s’expriment. Ils reçoivent des courriers de plainte en mairie, sont interpellés dans la rue, sur les marchés, etc. Des habitants mécontents y vont de leur courrier ou de leur « coup de gueule » presque tous les jours. Et les élus s’attachent à leur répondre autant que possible car ces citoyens mécontents sont aussi des électeurs. Du coup, ils privilégient une approche que l’on pourrait dire de « succession de résolutions de problèmes individuels », au détriment d’une approche globale et stratégique.

Toutes ces raisons conduisent les élus à privilégier le plus souvent des logiques d’affichage plutôt que de diagnostic et d’évaluation.

Vous dressez un tableau noir du partenariat local de sécurité. Pourquoi ça ne fonctionne pas ? (...)