
Un nouveau (petit) séisme va-t-il avoir lieu au 27 de la rue Saint-Guillaume à Paris, adresse de la prestigieuse école de sciences politiques ? Après la démission du précédent directeur, Frédéric Mion, qui aurait été averti, contrairement à ce qu’il avait déclaré, de fait d’agression sexuelle de la part d’Olivier Duhamel, ancien président de la Fondation nationale des sciences politiques , Sciences Po peut s’attendre à une nouvelle polémique, avec la sortie en librairie ce vendredi 17 mars du livre incendiaire « Sciences Po, l’école de la domination » (Ed. La Fabrique).
Ancien des Inrockuptibles, désormais journaliste politique à Mediapart, Mathieu Dejean est l’auteur de ce court ouvrage - 160 pages - au titre volontairement provocateur. Il y retrace l’histoire de l’établissement depuis sa création par Emile Boutmy en 1872 jusqu’à nos jours, et y développe la thèse d’une école pensée pour maintenir la domination du « bloc bourgeois », où l’on cultive l’entre-soi et la connivence idéologique des élites, marquée par une absence de remise en cause du système et du capitalisme.
Mais cette description correspond-elle vraiment à la réalité ? Pour en avoir le coeur net, nous avons proposé à trois personnes ayant été, ou étant encore, sur les bancs de l’école de lire le livre et de nous livrer leur ressenti. Voici, ci-dessous, leurs impressions que nous avons recueillies à chaud. Vous allez le voir, toutes et tous ne sont pas du même avis… (...)
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Si avant 1945 l’école se prétendait « libre », c’est parce qu’elle était libre de toute tutelle étatique : elle était à l’origine complètement privée. Premier paradoxe d’une grande école qui prétend, grâce à des capitaux privés issus du monde de l’industrie et de la finance, former les futurs garants de l’intérêt général. Un mélange des genres qui a jeté – dès la création de l’école par Émile Boutmy en 1872 – le soupçon sur la formation idéologique des étudiants. Pourtant, depuis 1945, c’est plutôt l’École nationale d’administration, la fameuse ÉNA, qui concentre les critiques sur la reproduction sociale des élites. Mais saviez-vous que la création de l’ÉNA avait justement été pensée comme une réplique publique à Sciences Po, pour ne pas laisser à une institution privée le monopole de la formation des futures élites ?
Comme le montre le travail de Mathieu Dejean, la force de l’école de la rue Saint-Guillaume a toujours été de s’adapter pour survivre, et le fait qu’elle ait formé tous les présidents de la République depuis François Mitterrand prouve le rôle central qu’elle joue pour les classes dominantes. Entretien avec Mathieu Dejean, journaliste à Mediapart (et ancien de Là-bas !), qui publie une histoire critique de Sciences Po, Sciences Po, l’école de la domination, aux éditions La Fabrique. (...)
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