
Les « Implant Files », la nouvelle enquête journalistique internationale, dénoncent l’absence de contrôle des dispositifs comme les pacemakers, prothèses mammaires ou les capteurs de glycémie et les nombreux incidents médicaux qui en résultent. Derrière ce scandale, il y a les mêmes méthodes d’influence que celles dévoilées par nos « Pharma Papers » à propos des laboratoires pharmaceutiques : le leader mondial du secteur, Medtronic, a dépensé 25,4 millions d’euros au bénéfice des acteurs de la santé en France depuis 2012.
(...) Derrière ce scandale, il y a les mêmes méthodes que celles dévoilées par nos « Pharma Papers » à propos des laboratoires pharmaceutiques : une dense toile de liens d’intérêts tissée d’un bout à l’autre de la chaîne médicale. Médecins, associations de malades, étudiants, hôpitaux... Medtronic, dont le siège est en Irlande, est le numéro un mondial des technologies médicales avec un chiffre d’affaires annuel de 20 milliards de dollars. La multinationale a distribué plus de 25 millions d’euros aux acteurs de la santé en France depuis 2012 pour assurer sa domination du marché et endormir les esprits critiques quant aux éventuels effets indésirables de ses produits. À quoi s’ajoutent quelques centaines de milliers d’euros de dépenses de lobbying à Paris, ciblant en particulier le ministère de la Santé
Un filet à mandarines validé comme dispositif médical
Le point de départ des « Implant Files » ? Un simple filet à mandarines. Une journaliste néerlandaise dépose un dossier pour obtenir une autorisation de mise sur le marché en Europe d’un implant vaginal destiné à éviter les chutes d’organes. En réalité, il s’agit d’un simple filet plastique normalement prévu pour contenir des fruits. (...)
. Cette certification européenne est aussi la première étape nécessaire pour obtenir le remboursement d’un dispositif médical par l’assurance maladie, avant l’évaluation par la Haute autorité de la santé. Comment une histoire aussi abracadabrantesque a-t-elle pu se produire ?
« En Europe, il est impossible de mettre sur le marché un médicament sans essais cliniques. Une mèche vaginale ne nécessite en revanche qu’une déclaration de conformité, rien de plus que pour une brosse à dents électrique. La firme St. Jude Medical (groupe Abbott), par exemple, a obtenu le marquage ’CE’ pour son Nanostim, un pacemaker sans sonde, après l’avoir seulement testé sur cinquante-huit moutons et trente-trois personnes », écrit Le Monde. Et ce, à cause d’un « conflit d’intérêts institutionnalisé » : « Les gouvernements ont confié le contrôle des dispositifs médicaux à des ’organismes notifiés’, des entreprises commerciales à la rigueur contestée, que les fabricants paient pour être évalués et inspectés. » (...)
En France, selon les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le nombre d’incidents liés aux dispositifs médicaux aurait doublé en dix ans, avec plus de 18 000 cas en 2017 et environ 158 000 incidents en dix ans.
25 millions pour endormir les esprits
Une partie de la réponse peut être trouvée grâce à l’outil EurosForDocs rendu public à l’occasion des « Pharma Papers », qui permet d’exploiter facilement les données de la base Transparence Santé sur les relations financières entre industriels et acteurs de la santé (lire notre article : Entre les labos pharmaceutiques et les médecins, 14 millions de conflits d’intérêts potentiels !). Depuis 2012, Medtronic a dépensé au moins 25,4 millions d’euros en France au bénéfice de ces derniers, soit 4,2 millions par an. Premiers visés : les professionnels de santé, essentiellement les médecins, mais aussi les kinésithérapeutes, sages-femmes, etc.