
Avec ou sans le déclenchement d’opérations spectaculaires à l’échelle européenne, la chasse aux clandestins va bon train à Marseille. Pour accélérer les flux d’expulsions, le tribunal, chargé d’emballer la chose avec un minimum de formalisme juridique, est situé en plein cœur du centre de rétention du Canet. Retour sur une routine administrative qui se veut toujours plus discrète.
Sous une passerelle, le mistral souffle à décorner un képi de gendarme. Une veste abandonnée remplit un trou dans la chaussée dévastée. Un bouquet de poireaux traîne derrière la poubelle. Quelques tags rouillent sur des rideaux poussiéreux. Pas l’ombre d’un chat. Le ciel est bleu de glace. Sur le mur, on peut lire ministère de la Justice, salle d’audience du TGI. Nous sommes devant le centre de rétention du Canet à attendre en regardant un morceau de plastique blanc accroché à un arbuste. Comble de malchance, le bar de l’Avenue est fermé aujourd’hui. (...)
Après la salle d’attente et la fouille, en plein vent, nous pénétrons dans une modeste salle où la juge et quatre agents de la PAF introduisent les internés du centre de rétention pour lesquels la préfecture a déposé une procédure de reconduite à la frontière. Pour l’avocat commis d’office : « C’est juste de l’administratif ici ! » Cinq hommes sont présentés ce matin. Le premier est éthiopien. En short et pull noir à capuche , il a fui son pays en 2010. Contrôlé en gare de Marseille, il ne possédait pas de documents pour prouver son identité. Cela a suffi à l’envoyer en rétention. Sa traductrice nous apprend qu’il est content d’être renvoyé en Italie et surtout pas dans la corne de l’Afrique d’où il a fui la misère.
Le chariot de l’imprimante ne revient plus. L’employé de la préfecture, timide et un doigt dans la bouche donne un coup de main à la greffière. Jibril apprend sans broncher qu’il pourrait rester en détention au maximum 20 jours.
Égyptien, quoiqu’on le soupçonne d’être palestinien, Saba veut rentrer en Égypte. Arrêté comme six autres à la gare St-Charles. Dépressif, il ne supporte plus l’Europe et ne veut pas passer par l’Italie où il a des papiers provisoires. « C’est dommage pour quelqu’un qui veut rentrer », conclut son avocat. La présidente rajoute : « ça arrive… » (...)