
Le quinquennat Sarkozy a été marqué par d’incessants appels à la haine et à la guerre contre ceux et celles qui ne rentreraient pas dans le cercle sacré de l’« identité nationale » : les étrangers sans papiers expulsés par charter selon une logique comptable morbide, les femmes musulmanes portant la burqa exclues de l’espace public, les roms dont le Président appelait à démanteler les campements lors du discours de Grenoble en 2010 etc. Sous ce gouvernement de droite lepénisé, la vie en société semblait n’être définie que par des logiques d’exclusion, accompagnées d’exaltation nationale venant (mal) masquer des inégalités socio-économiques toujours plus fortes. Il était alors tentant à gauche d’en appeler à d’autres principes pour combattre la droite : non pas l’exclusion mais l’inclusion, non pas le haine mais la tolérance, non pas la ségrégation mais la mixité ou encore : le « vivre ensemble ».
Ce mot d’ordre du vivre ensemble insiste, comme une série d’autres, sur la nécessaire ouverture à tous et à toutes comme fondement de la vie démocratique. Les espaces publics, par exemple, ne doivent pas être réservés aux plus riches ou exclure, sur des critères divers, les personnes « déviantes ». Le même raisonnement s’applique aux écoles, et plus généralement à tous les services que l’Etat social a progressivement construits, dans un mouvement d’universalisation certes inachevé, comme « publics ».
Le mot d’ordre du « vivre ensemble » a aussi comme vertu d’appeler à surmonter les goûts et les dégoûts pour construire des espaces de rencontres et d’échanges sur la base du respect mutuel, indépendamment des aversions personnelles. Comment imaginer autrement atténuer la violence des rapports sociaux qui règnent dans le monde du travail, mais aussi dans les sphères militantes, associatives ou encore dans les lieux d’habitat ?
Comme souvent face à la radicalisation idéologique de la droite, on risque de se contenter de trop peu. Il serait dangereux en effet de s’en tenir à ce mot d’ordre progressiste, ou de lui faire trop de place, et d’entériner ainsi les recompositions idéologiques d’une gauche toujours plus réticente à intégrer dans son discours les rapports de domination.
Comme le thème du vivre ensemble lui-même, cette évolution idéologique de la gauche française, et plus particulièrement du Parti socialiste, n’est pas nouvelle. (...)
en réalité, ces habitants vivent souvent plus ou moins bien ensemble ; autant qu’ils le peuvent en tous cas, avec les solidarités et les résistances qu’ils arrivent encore à tisser. Mais en faisant de plus en plus difficilement avec les politiques néo-libérales qui sapent les formes de redistribution sociale, qui détruisent peu à peu le système scolaire, ou encore avec les discours racistes qui alimentent la haine de l’étranger. (...)