
Alors que les pratiques commerciales contestables sont inscrites dans les stratégies des entreprises, contre-pouvoirs et réglementation peinent encore à les contrôler.
Les pratiques de vente sont de plus en plus agressives. Yves Frédéric Livian, docteur en sociologie et professeur honoraire de sciences de gestion à l’université de Lyon, en donne dans ce livre une analyse très fouillée, montrant l’absence fondamentale de considération des entreprises pour le consommateur, sous couvert d’une idéologie qui proclame le contraire.
Des pratiques de ventes contestables et délibérées
La première partie du livre prend la forme d’un inventaire exhaustif de toutes les pratiques contestables en matière de vente, d’avant-vente ou d’après-vente, qui visent toutes, pour les entreprises, à vendre à prix élevé tout en réduisant leurs coûts de commercialisation et leurs obligations découlant de la vente. Celle-ci parlera à tout le monde, tant ces pratiques sont désormais communément répandues.
L’auteur ne s’en tient toutefois pas là, puisqu’il explique dans la seconde partie que bon nombre de celles-ci renvoient à des stratégies organisationnelles parfaitement délibérées. Pour le comprendre, il faut tout d’abord mettre ces pratiques en relation avec le contexte économique et politique actuel et en particulier la domination qu’exercent les résultats financiers sur toute l’activité économique, qui ne peut qu’affaiblir les éventuels scrupules et réticences face à l’usage de la ruse, de la contrainte et de la désinformation en matière de commerce. D’autant que, si le capitalisme financiarisé fait désormais l’objet de critiques sévères, contre les rémunérations excessives des dirigeants, l’évasion fiscale, les dommages sociaux et environnementaux ou encore en faveur de la juste rétribution des fournisseurs, les pratiques commerciales semblent encore y échapper très largement.
Une règlementation inadéquate
Leur encadrement reste insuffisant. (...)
Et la déontologie ou la morale ne jouent en la matière qu’un rôle très limité.
De plus, les consultants, la presse spécialisée et les universitaires appartenant au courant dominant entretiennent une vision enchantée des rapports commerciaux (...)
Le consommateur au centre des stratégies
Finalement, le modèle qui prévaut désormais dans les rapports commerciaux repose sur trois éléments, explique l’auteur, qui fait ici un effort de conceptualisation important. Il consiste d’abord à placer le client dans la position d’une ressource, au sens de source de profit, complètement intégrée à l’entreprise, au même titre que les produits ou les machines. Il joue ensuite avec la liberté du consommateur en fonction des intérêts de l’offreur du produit. Sa liberté et son initiative ne sont en effet reconnues et valorisées dans ce modèle que si elles sont rentables et également individuelles (car il n’est pas question de le reconnaître autrement que comme individu). Il repose enfin sur un rapport de forces avec lui, où par conséquent tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins.
Quels contre-pouvoirs ?
Comment contrer alors ce modèle ? Le rôle de l’Etat est bien sûr indispensable, mais on peut citer également les « médiateurs de la consommation » (encore trop peu nombreux), les militants de la « consommation engagée » et bien sûr les associations de défense des consommateurs, mais leurs forces sont limitées.
La critique du management, qui a investi de nombreux autres domaines ces derniers temps, s’intéresse encore trop peu aux pratiques commerciales ordinaires, alors que celles-ci correspondent à l’expérience quotidienne de dizaines de millions d’individus, note l’auteur.