
Sondage : les experts de BFMTV se déclarent à 100 % favorables aux sondages
Doit-on critiquer les sondages ? En posant cette question, la semaine dernière sur BFMTV, Yves Calvi prend un grand risque. Celui de justifier leurs pires travers afin d’épargner toute critique à l’encontre d’une chaîne qui consacre des heures d’antenne à débattre de leurs résultats.
« Les sondages n’ont jamais été aussi présents », s’alarme Yves Calvi la semaine dernière sur BFMTV, chaîne qui commande à tire-larigot des sondages.
« Un grand classique des campagnes électorales, la critique des sondages. Mais en débattre n’est jamais inintéressant. » Surtout avec une directrice d’études qui réaliste des sondages pour BVA, Christelle Craplet, et un éditorialiste maison habitué à commenter les sondages commandés par sa chaîne ou par d’autres médias, Benjamin Duhamel.
Pour arbitrer entre ces aficionados, il reste « Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste ». Mais « d’abord, la réaction de Marine Le Pen ». Connue pour son expertise des sondages. Elle dénonce « un outil défaillant », citation illico transformée en bandeau… sans être sourcée. (...)
Benjamin Duhamel questionne la pertinence de « tester Zemmour au second tour » alors qu’il n’est pas encore candidat, avant de justifier cette pratique… par un sondage : « Depuis le sondage Harris, on a une possibilité pour qu’Éric Zemmour soit au second tour. » Quoi de mieux qu’un sondage pour légitimer les sondages ?
Un gros titre valide à l’écran : « 2022 : Zemmour au second tour. » L’éditorialiste développe : « Si les sondeurs décidaient d’office de dire : “Non, on ne testera pas Zemmour au second tour”, on dirait : “Pourquoi il y aurait un traitement de défaveur pour ce monsieur ?” » Pauvre Zemmour, exposé au risque d’un traitement de défaveur. « C’est un thermomètre qui ne crée pas de phénomène politique. » Seulement des heures de « débat » à propos de Zemmour sur BFMTV et ailleurs. Ça n’a rien de politique. « C’est même l’application de la décision du CSA qui a déclaré Zemmour pré-candidat », confirme Anne-Charlène Bezzina.
Ben voilà, l’omniprésence médiatique de Zemmour, c’est la faute au CSA. (...)
« On n’arrête pas de les critiquer, on les met en cause en permanence, désespère Yves Calvi, mais tout le monde sait que les sondages sont devenus le mètre-étalon pour les partis politiques eux-mêmes. » C’est bien la preuve de leur utilité. « Avec un risque, avertit Anne-Charlène Bezzina. Le risque est toujours que le sondage influence l’opinion au point de devenir une opinion. » Et que soit fabriqué un « phénomène » (Zemmour, au hasard). « C’est ce que notre législation électorale de 1977 a essayé d’éviter en interdisant par exemple les sondages la veille de l’élection. — Mais on a tous ceux qui viennent de Belgique et de Suisse, relève Yves Calvi. — Avec Internet, tout cela ne sert plus à rien aujourd’hui. » Plus besoin de législation électorale. (...)
« Pour revenir sur les sondages, reprend Benjamin Duhamel, c’est une vieille critique depuis Pierre Bourdieu, qui avait écrit “L’opinion publique n’existe pas”. » Si Bourdieu devient la référence de BFMTV, je veux bien devenir chroniqueur chez Hanouna. « Il considérait qu’on était dans une sorte de prophétie autoréalisatrice. — C’était très intelligent, admet Yves Calvi. Mais ça se discute. — Oui, ça se discute beaucoup. » Ouf, j’ai eu peur. « Pour essayer de tordre le cou à un certain nombre de choses qu’on entend… On dit “les sondages à six mois se sont toujours trompés”, mais heureusement que les campagnes électorales sont à même de changer les équilibres. » En s’appuyant sur des sondages. (...)
« Deuxième critique, les sondages ne prennent en compte que ceux qui sont sûrs d’aller voter. » Ceux qui DÉCLARENT qu’ils sont sûrs d’aller voter, nuance d’importance. « Mais si les sondages ne prenaient pas en compte ceux qui sont sûrs d’aller voter, ce serait déséquilibré. » Ainsi, nous bénéficions de modèles d’équilibre. « Ce qui ne veut pas dire que les sondages ne sont pas exempts de critiques, par exemple sur la taille des échantillons… » Mais pas sur la nature de ces échantillons, ni sur la manière de les interroger, ni sur les questions qui leur sont posées et les réponses qui leur sont suggérées. (...)
. « Attention aux inégalités, alerte Anne-Charlène Bezzina. Celui qui va en commander plus et celui qui va en commander moins… On a eu des premières manœuvres à l’Élysée avec des sondages autocommandés. » À l’Élysée ? Des sondages autocommandés ? Impossible, c’était du temps de Nicolas Sarkozy et de Patrick Buisson. « Qu’est-ce que c’est ? s’étonne Yves Calvi. Vous dites ça avec beaucoup de charme. » Normal, c’est une femme. « On a des candidats qui vont considérer que fait partie de l’opinion une question qu’en fait ils ont envie d’imposer. » On a aussi des médias qui vont considérer que fait partie de l’opinion une thèse soutenue par Zemmour qu’en fait ils vont imposer à coups de sondages sur les prénoms chrétiens ou le rétablissement de la peine de mort.
“C’est difficile de s’en passer.” “La réalité, c’est qu’aujourd’hui, c’est comme ça.”
Quand une chaîne qui commande des sondages demande à un commentateur de sondages et à une fabricante de sondages d’exprimer leurs réserves sur les sondages…https://t.co/uInzJASH3e— Samuel Gontier (@SamGontier) October 19, 2021