
Après deux recueils de nouvelles publiés en 2015 et 2017 (à paraître en un seul volume poche intitulé Ejo suivi de Lézardes et autres nouvelles, fin septembre aux éditions Autrement), Beata Umubyeyi Mairesse signe avec Tous tes enfants dispersés un premier roman aussi engagé que bouleversant. Quatrième coup de cœur de notre série d’été 2020 « Pages à plages ». (...)
Un libraire mal avisé ou une critique littéraire trop expéditive pourrait facilement ne retenir que le volet génocidaire sur lequel repose le formidable premier roman de Beata Umubyeyi Mairesse, Tous tes enfants dispersés (éditions Autrement).
De proverbes rwandais en descriptions aussi riches que poétiques d’un pays marqué par le massacre des Tutsi en 1994, l’auteure bordelaise nous transporte en effet dans le Rwanda de trois générations successives en empruntant leurs trois voix, forcément dissonantes : celles d’Immaculata, grand-mère rescapée du génocide, de sa fille métisse Blanche, fruit de son union avec un Français, partie trouver refuge dans l’Hexagone, et de son petit-fils Stokely, premier-né sur cette terre d’accueil.
Des goûts et des couleurs
De souvenirs en anecdotes égrenés par les personnages, on se surprend ainsi à saliver à l’évocation de recettes locales (« les bananes ibitoki by’inyamunyo que tu préparais avec des arachides fraîchement écrasées et des aubergines blanches ou l’ubugali aux sangalas séchés ») et à rêver d’une nature luxuriante (« des fleurs de canna hautes, jaunes et rouges », des « orchidées ramenées de la forêt de Nyungwe » ou des jacarandas omniprésents) que la jeune mère exilée retrouve avec nostalgie à la serre tropicale de Pessac avant un bref retour sur sa terre natale
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Beauté d’un exotisme brutalement déchirée par l’horreur des événements que l’on sait et rapportés par Bosco, fils d’Immaculata et petit frère de Blanche :
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Du personnel au collectif : l’universalité
Mais il serait fort dommage de laisser cette dramatique trame historique occulter l’universalité des thèmes abordés au fil des récits des personnages : difficulté de la relation mère-fille, poids de l’héritage et des secrets de famille, injonctions sociales diverses, maternité, déracinement, culpabilité, double culture…
C’est la justesse de cette multitude d’expériences individuelles, susceptibles de résonner en chaque lecteur ou lectrice, quels que soit son histoire, son origine, son genre ou sa religion, qui donne toute son épaisseur et sa superbe à ce premier roman.
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