
Le président (UDI) du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire vient de révéler publiquement qu’il souffre d’un cancer du foie. L’occasion pour lui et pour les médias locaux d’insister sur le fait qu’une maladie comme celle-ci n’empêche nullement de travailler normalement. Réaction de Thomas, qui vit avec une maladie grave et a de plus en plus de difficultés à souffrir... ce genre de discours.
C’est au micro de France Bleu Touraine que Jean-Yves Couteau, récemment élu président du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire s’est exprimé à propos du cancer du foie contre lequel il se bat actuellement. Une intervention qu’il motive de la façon suivante :
« J’ai eu envie de dire les choses parce que j’en ai marre que sous le manteau, on dise n’importe quelle connerie. Là c’est moi qui le dit. On peut avoir une activité professionnelle normale ! »
Il est sympa, Jean-Yves Couteau, il écrit « peut » et pas « doit ». Entre les deux il n’y a qu’un pas... que les médias locaux franchissent allègrement. Ainsi, le site 37 degrés explique carrément que :
La maladie n’a jamais empêché les hommes politiques du plus faible au plus brillant d’exercer un sacerdoce pour l’ensemble des citoyens et concitoyens que nous sommes.
On rappelle au passage que dans le « sacerdoce » de Jean-Yves Couteau figure en bonne place la lutte contre l’égalité hommes-femmes et contre le mariage homosexuel [1] et qu’à ce titre on aimerait qu’il s’en passe. (...)
On chercherait à nous faire comprendre que les 90% de cancéreux qui n’ont pas le courage de Jean-Yves Couteau abusent qu’on ne s’y prendrait pas autrement. On rappelle de plus à France Bleu que le cancer touche aussi des personnes dont le corps est l’outil de travail. Pour elles non plus, la fatigue n’est pas « juste » un petit parasite supplémentaire. S’il y en a pour qui la fatigue intellectuelle est improbable ce sont visiblement les journalistes de la presse régionale (on espère en tous cas que l’indigence de leurs papiers n’est pas la conséquence d’un travail exténuant). (...)
Dans une société productive et spectaculaire, le cancer et la souffrance qu’il entraîne ne doivent pas se voir car il ne faut pas souffrir. Il faut être « digne » et continuer à exister publiquement comme si rien n’était. Il faut surtout pour le commun des mortels comme pour le politicien moyen rester productif au travail sans que les conséquences de la maladie n’interfèrent. (...)
Les médias nous parlent de pudeur [4] ? Mais de quoi on parle ? Qu’est-ce qu’il nous dit Jean-Yves Couteau ? Que tout cela n’a finalement que peu d’impact sur la seule vie qui vaille, celle du travail. Foutaise ! Monsieur Couteau, pourquoi ne pas dire la souffrance physique ? La souffrance psychologique ? Les effet secondaires des médicaments ? La peur de la mort ? Le regard des autres qui change ? L’angoisse des proches et leur pitié qu’on cherche à éviter ? Les rapports de soumission face aux médecins ? (...)
J’en ai, comme nombre de personnes atteintes de maladies dites graves, longues ou chroniques, ras-le-bol de ces discours lénifiants. Que Jean-Yves Couteau retourne au silence qu’il maintenait et que les médias cessent de nous célébrer le courage d’un type qui n’a pas le choix. Merde à la normalité du travail ! Merde à la « dignité » ou au « courage » du malade qui souffre en silence en bossant servilement et surtout sans déranger la bonne conscience du monde ! Merde à ces politiciens cyniques au point de faire de leurs propres problèmes de santé des arguments de propagande ! Merde aux médias supplétifs qui relayent cette vision merdique d’une vie dont le seul but - normal - serait d’être un individu productif !
Thomas,
qui ne bosse pas normalement et pique les thunes de la sécu pour engraisser des industriels de la pharmacie dans l’espoir de survivre. Et souhaite un bon rétablissement à Jean-Yves Couteau.