
Du 4 au 8 décembre 2017, le Codex alimentarius se réunit à Berlin. L’un des points à traiter portera sur une définition officielle du concept de « biofortification ». Pourquoi est-ce important ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « les carences en vitamine A, en zinc, en fer et en iode sont des préoccupations de soins de santé primaires. Dans le monde, deux milliards de personnes environ sont touchées par une carence en iode et plus d’un tiers des enfants d’âge préscolaire par une carence en vitamine A. Celle-ci constitue la principale cause de cécité évitable chez l’enfant » [1]. Ces carences sont dues essentiellement à des déséquilibres alimentaires : une alimentation peu variée, à base d’un ou deux composants principaux (maïs, riz, banane…) qui n’apportent pas assez de diversité de micronutriments (vitamines, minéraux, acides aminés…).
Biofortification : fausse solution à un problème réel
Ces déséquilibres alimentaires ont plusieurs origines, notamment la pauvreté, mais aussi l’imposition d’un modèle de développement, misant notamment souvent, pour les pays du Sud, sur des cultures d’exportation (café, coton, cacao…) au détriment des cultures vivrières. Plutôt que de changer ce modèle de développement (processus long mais qu’il faudra bien commencer un jour) [2], les carences alimentaires ont été combattues depuis plusieurs années par la supplémentation [3] et la fortification des aliments [4].
Mais depuis le début des années 90, une autre idée est née : cultiver directement des variétés enrichies en micronutriments (notamment fer, zinc, béta-carotène…), obtenues par différentes méthodes de sélection variétale.
Ces pratiques sont de plus en plus répandues, notamment en Afrique, via le programme HarvestPlus (article Inf’OGM à venir). (...)
avant cette réunion de Berlin, un groupe de travail, présidé par le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, a donc continué à affiner la définition de la biofortification. Il est parvenu à retenir six critères pour cette définition (voir encadré ci-dessous). L’un des points problématiques concernait donc la méthode de production. Les variétés biofortifiées peuvent en effet être produites de différentes façons, des plus conventionnelles (croisements naturels…) aux plus artificielles (notamment grâce à la transgenèse ou aux nouveaux OGM). Or les OGM sont rejetés par certains pays et d’autres n’ont pas (encore ?) de législation adéquate. De plus, on se souvient des difficultés, à la fois technique et d’acceptation sociale, pour la mise au point du riz enrichi en vitamine A par transgenèse... Dès lors, donner une définition de la biofortification qui mentionne explicitement la possibilité que ces variétés soient obtenues par modifications génétiques pourrait déclencher les foudres de certaines ONG ou même de certains gouvernements. D’où cette rédaction sibylline de l’avant projet de définition : « La méthode de production est déterminée par les autorités nationales / régionales compétentes ».
Avec un tel flou, chacun y retrouvera ses petits (les textes internationaux obligent souvent à se rallier au plus petit dénominateur commun pour parvenir à un consensus), et il est prévu qu’une définition finale soit adoptée en 2019. À suivre donc, en s’intéressant notamment aux techniques qui, sur le terrain, seront utilisées... (...)