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Slate.fr
Pour les médecins, les hommes font des crises cardiaques, les femmes des crises d’angoisse
Article mis en ligne le 10 juin 2018
dernière modification le 9 juin 2018

Paralysie du bras gauche, douleur thoracique : les signes avant-coureurs d’une crise cardiaque sont bien connus, ce qui peut vous sauver la vie… Excepté, peut-être, si vous êtes une femme.

En France, le nombre de décès suivant une crise cardiaque ne cesse de baisser depuis une quinzaine d’années. Une bonne nouvelle qui masque pourtant une réalité bien moins réjouissante : longtemps plus épargnées que les hommes, les femmes sont désormais en première ligne.

De plus en plus fréquent, l’infarctus du myocarde survient également à un âge moins avancé : chez la femme de moins de 50 ans, le nombre de cas recensés a triplé en quinze ans.

Les symptômes « féminins » restent pourtant assez mal connus : douleur diffuse, difficulté respiratoire et nausée cachent parfois un trouble cardiaque grave et ne sont pas dépistées à temps par le personnel soignant.

Symptômes différents
Ignorés ou mal interprétés, ces symptômes ne concernent pas uniquement la crise cardiaque, puisque l’ensemble des maladies cardio-vasculaires sont concernées. Si ce type d’accidents constitue la première cause de mortalité chez les femmes, et la troisième chez les hommes, il reste bien mieux pris en charge chez ces derniers.(...)

Ce problème de santé publique est pris à bras-le-corps par la FFC, qui mène des campagnes de sensibilisation auprès des professionnelles et professionnels de santé et du grand public. En 2015, la fédération s’est même offert les services de la réalisatrice Maïwenn pour un clip dénonçant le préjugé sexiste entourant la crise cardiaque.(...)

Cette différence de traitement entre femmes et hommes porte un nom : le « syndrome de Yentl », en référence à l’héroïne éponyme de l’écrivain Isaac Bashevis Singer, une jeune juive ashkénaze contrainte à se travestir en homme pour étudier le Talmud, dont la lecture est interdite aux femmes.(...)

La discrimination commence tôt, dès le stade des essais cliniques effectués en laboratoire, avant la mise sur le marché d’un traitement pharmaceutique.

Peu de gens le savent, mais dans ces laboratoires, 80% des sujets, le plus souvent des rats ou des souris, sont des mâles. Si la molécule réussit le test, elle est ensuite administrée à des humains volontaires, dont là encore seulement 25% sont des femmes.

Pour l’expliquer, les laboratoires mettent en avant les cycles hormonaux et les risques de grossesse, susceptibles de perturber le bon déroulement des tests cliniques. Conséquence : certains effets secondaires se révèlent plus persistants chez les femmes, particulièrement lors de la prise de somnifères ou de médicaments anti-cholestérol.

Cette prévalence du masculin sur le féminin provoque parfois des situations surréalistes : en 1993, une étude américaine portant sur le rapport entre obésité et cancers du sein et de l’utérus a été réalisée sur un panel de sujets exclusivement masculins ! Depuis, le Congrès américain a voté une loi pour obliger les laboratoires et les organismes de recherche à inclure davantage de femmes dans leurs essais cliniques.

Si le problème n’est pas nouveau, cela ne fait que quelques années qu’il est discuté en France, où les choses évoluent lentement mais sûrement.(...)

Imputable aux stéréotypes et véhiculée par les rôles sociaux, la discrimination sexiste nuit également à la santé des hommes.

L’ostéoporose, qui fragilise le capital osseux, est généralement moins bien dépistée chez ces derniers. Affaiblissant la densité des os, elle accroît pourtant le risque de fractures et peut entraîner des accidents à répétition si elle n’est pas détectée à temps. On considère qu’aujourd’hui, près d’un tiers des fractures du col du fémur chez les hommes sont causées par l’ostéoporose.(...)

Autre exemple, celui de la dépression : les femmes, plus à sujettes à la maladie, consultent en règle générale beaucoup plus tôt que les hommes. Pour le psychiatre Théodore Hovaguimian, auteur de nombreuses publications sur la question, les symptômes de dépression sont d’ordinaire minorés chez l’homme, ce qui fait que « sa dépression est trop souvent mal comprise, à commencer par lui-même ».

Agressivité soudaine, irritabilité constante ou comportements à risques peuvent être les signes avant-coureurs d’une dépression et ne doivent pas être pris à la légère. Car les épisodes dépressifs masculins ont souvent des répercussions tragiques : « Les hommes se suicident jusqu’à quatre fois plus que les femmes », rappelle Hovaguimian. (...)