
Répétée régulièrement tant par Eric Ciotti que par Marine Le Pen ou Eric Zemmour, cette affirmation, démentie par les acteurs de l’éducation du département, ne repose sur aucun fait.
Comme c’est souvent le cas avec le polémiste Eric Zemmour, l’affirmation est catégorique mais peu ou pas étayée. Il n’est d’ailleurs pas repris par ceux avec lesquels il partageait le plateau de LCI, lundi 19 février. L’affirmation d’Eric Ciotti n’a pas été davantage relevée le 13 février sur Franceinfo lorsqu’il se demandait : « S’il y a encore un enfant juif dans une école publique de Seine-Saint-Denis ? On sait bien pourquoi. Parce qu’ils sont chassés aujourd’hui par la montée du communautarisme islamiste. »
Brice Hortefeux avait posé la même question en avril 2018 sur Europe 1. On a aussi pu l’entendre en 2015 prononcée par Luc Ferry, ou encore en 2014 de la bouche du réalisateur Alexandre Arcady. Problème : cette affirmation ne repose sur rien de factuel.
POURQUOI C’EST UNE RUMEUR ?
Rodrigo Arenas, coprésident de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Saint-Denis, ne cache pas sa lassitude alors qu’il dément, pour la quatrième ou cinquième fois, l’affirmation : « Oui, il y en a ! », et on compte bien des parents d’élèves du département de confession juive. (...)
« Ce qui est insupportable, c’est que cela oblige des parents d’élèves à sortir de leur intimité en rendant publique leur religion, c’est contraire au laïcisme de la FCPE, précise M. Arenas. C’est faux, et on ne fait pas de fichier des élèves par religion, donc, ce n’est pas sourcé, ce sont des rumeurs. » Rappelons qu’il n’existe pas de liste des Français classés en fonction de leur religion.
Et de fait, ni Eric Ciotti ni Eric Zemmour ne sont capables d’apporter un élément factuel à leur démonstration. M. Ciotti évoque bien « un rapport ». Mais ce document, daté de juin 2004 et portant sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires, ne parle pas de Seine-Saint-Denis et ne donne aucun chiffre. (...)
« Oui, il y a de l’antisémitisme et du racisme en Seine-Saint-Denis, comme ailleurs. » Dans une note de 2018, la Fondation Jean-Jaurès remarque que « le nombre d’établissements confessionnels juifs est passé en dix ans de trois à huit » dans le département.
Pour autant, Rodrigo Arenas regrette un « amalgame irresponsable » qui vise à en attribuer la faute aux seuls musulmans. « Les croix gammées et les croix celtiques faites à Paris ce week-end, je doute que ce soit le fait de musulmans, assure-t-il. Que Zemmour balaye devant sa porte. »
Et le coprésident de la FCPE de rappeler que, dans le département, « chaque année, les enfants commémorent les déportations », et que tous les ans « on envoie les collégiens du département à Auschwitz ou dans des lieux de mémoire ». (...)
Lire aussi : Pas d’enfants juifs dans les écoles du 93 ? La FCPE « envisage de porter plainte contre Ciotti »http://www.regards.fr/societe/artic... (...) En Seine-Saint-Denis, on n’a pas de croix gammées sur les boîtes aux lettres comme à Paris, on n’a pas de cimetières profanés comme en Alsace. C’est autre chose. Il y a le fond de conflit israélo-palestinien. Mais on ne peut pas résumer l’antisémitisme en France à cela, sinon on se trompe. Tous les enfants musulmans ne sont pas anti-Israël. De plus, dire que les maux d’une communauté sont le fait d’une autre communauté, c’est contraire à l’esprit républicain. L’antisémitisme est plus profond dans notre société. C’est quelque chose que, culturellement, la France n’a pas dépassé. Il y a une forme de déni. Et ça concerne toute la Nation. (...)