
Le loup est encore en expansion en France, selon les derniers rapports de l’OFB, tandis que les attaques diminuent. Les tirs continuent sans que leurs impacts n’aient été prouvés. Le loup continue de déchainer les passions des éleveurs, des chasseurs et des politiques.
Les premiers remettent en cause la technique de comptage française des populations de loups mise en place par l’Office français de la biodiversité (OFB). Le maire d’un village des Hautes-Alpes est allé jusqu’à dire qu’il y aurait 60 000 loups en France. Qui dit mieux ?
Les deuxièmes voient en ce grand prédateur un concurrent, qui les empêche de tuer eux-mêmes les sangliers. (...)
Les derniers ont trouvé un nouveau bouc émissaire pour justifier l’échec de la politique de cohabitation entre les loups et certaines activités pastorales en France. (...)
si la population de Canis lupus augmente en France, les attaques ont baissé pour la première fois en 2021. Il se pourrait que les mesures de protection des troupeaux n’y soient pas étrangères.
L’expansion du loup en France
Le nombre de loups est en hausse en France. À l’issue de l’hiver 2021-2022, l’OFB a fait une estimation moyenne de 921 loups en France (entre 826 et 1016 individus), contre 783 à la sortie de l’hiver 2020-2021 et 580 l’année précédente.
Si le bilan de l’année 2022 n’est pas encore connu, celui de l’année 2021 fait état d’une expansion du territoire français de l’espèce. Le loup est d’abord revenu par les Alpes, les départements attenants sont donc les foyers d’origine d’une bonne partie de la population lupine française. Il a progressivement étendu son territoire à l’est, en région Rhône-Alpes et au nord, dans les massifs du Jura et des Vosges. Certains spécimens sont aussi arrivés par les Pyrénées espagnoles. Les loups colonisent petit à petit le Massif central et des traces de loups ont été repérées dans des départements de Normandie, ainsi qu’en Vendée. Des attaques d’animaux domestiques attribuées aux loups sont désormais réparties sur environ 50 % de l’Hexagone. Canis lupus est considérée comme présente dans 145 zones du territoires métropolitains (contre 125 à la sortie de l’hiver 2020-2021).
Les attaques de loups en baisse (...)
Cette même année, les autorités ont constaté une baisse des attaques et du nombre d’animaux domestiques victimes dans des zones où le loup est présent depuis de nombreuses années. (...)
Après une hausse généralisée des attaques les années précédentes, reste à voir si la tendance de 2021 se confirmera en 2022.
L’accent sur les moyens de protection des troupeaux
On constate donc une augmentation de la population de loups en France en 2021 et une extension des zones de présence permanente ou ponctuelle de ce grand prédateur, en parallèle d’une baisse des prédations sur les animaux domestiques. Est-ce là une conséquence des tirs de loups, qui sont 106 à en avoir fait les frais en 2021 ? Difficile à dire. Il se pourrait que ce ne soit pas le facteur déterminant, car avec une population lupine inférieure en 2020, et un nombre de spécimens tués quasi-équivalent (105), les animaux domestiques victimes du carnivore étaient plus nombreux.
Ce qui a pu davantage participer à faire baisser le nombre d’attaques, c’est la mise en place de moyens de protection (...)
La chasse au loup persiste
Dans son Plan Loup 2018-2023, actuellement mis en œuvre (et bientôt révisé), l’État français a décidé d’éliminer jusqu’à 20 % du nombre de loups en France chaque année. Pourtant, il n’existe pas d’études, à ce jour, prouvant l’impact positif des tirs pour réduire la pression de prédation. (...)
D’autres études réalisées hors de France ont montré une tendance à la hausse des prédations d’animaux domestiques à la suite de tirs de loups (voir l’article de S. Hild dans le n° 84). Dans son ouvrage Le loup, ce mal-aimé qui nous ressemble (2021, HumenSciences), l’éthologue Pierre Jouventin cite des études américaines qui ont montré l’inefficacité des tirs de loups sur la prédation de l’année suivante. Cela peut s’expliquer par trois hypothèses : la première est que le prélèvement d’un ou plusieurs individus incitent les membres de la meute à se reproduire ; la deuxième est que la mise à mort d’un ou plusieurs loups provoque l’éclatement de la meute, avec des individus qui partent explorer d’autres territoires ; et la troisième est que l’abattage d’un loup expérimenté compromet l’éducation des plus jeunes à la chasse qui se rabattent sur les proies plus faciles que sont les troupeaux de moutons.
L’éthologue Jean-Marc Landry et Jean-Luc Borelli, de l’Institut IPRA (Institut pour la promotion de la recherche sur les animaux de protection), ont mis au jour ce qu’ils appellent le « facteur loup ». En étudiant la relation de loups avec les troupeaux d’ovins, ils en ont déduit que chaque loup avait sa propre personnalité, chacun avec une propension différente à passer à l’attaque. Dans les milieux étudiés, loups et ovins partagent le même territoire et cohabitent. « Les loups évoluent en permanence dans l’espace pastoral. » Des comportements de jeu ont même semblé être observés entre des loups et des patous, ces chiens protecteurs des troupeaux. (...)
Le risque d’une protection du loup affaiblie
Malgré les études scientifiques et les données de l’OFB, le ministre Marc Fesneau a annoncé vouloir déclasser Canis lupus de son statut d’espèce strictement protégée à celui d’espèce protégée au niveau européen, afin de pouvoir en abattre plus. Et il n’est pas le seul à s’en prendre au loup en Europe. Dans cette logique, le 24 novembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution demandant la possibilité de diminuer la protection de l’espèce à l’échelle européenne. Cette demande est également partagée par la Suisse, qui est membre de la Convention de Berne de 1979 sur les espèces protégées. Le 28 novembre, elle a mis au vote un amendement visant à rétrograder le statut de protection du loup dans la Convention. Heureusement, cet amendement a été rejeté. Alors que l’on devrait se réjouir de l’augmentation de la population de ce grand prédateur et de la baisse des attaques en parallèle, voilà que l’on crie plus que jamais au « grand méchant loup ».