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Libération
Paris 2024 : le discours indécent du coach Macron
Article mis en ligne le 16 septembre 2021

Les athlètes français ne rapportent pas assez de médailles par rapport à l’argent public investi dans le sport, et il va falloir changer tout ça : c’est le message présidentiel transmis lundi soir aux médaillés de Tokyo qu’il recevait à l’Elysée.

Ils n’avaient plus besoin de prouver qu’ils avaient un mental à toute épreuve. Les médaillés olympiques français viennent pourtant de le démontrer une nouvelle fois, en subissant lundi les consignes en vue de Paris 2024 concoctées par le coach Macron, qui les recevait à l’Elysée pour une cérémonie en leur honneur. Sauf que d’hommage, il a été peu question au beau milieu d’un exposé échevelé qu’on aurait pu intituler « le macronisme appliqué au sport », ponctué de quelques concepts inaudibles : « pacte de performance », « cordée du sport » ou « capital sportif-entrepreneur »…

Evacués quelques mots rapides de félicitations pour Tokyo, le Président a prévenu celles et ceux sans qui la France ne figurerait pas dans le top 10 du tableau des médailles : il faudra « faire beaucoup plus » dans trois ans. Belle leçon d’hypocrisie envers des personnes qui se sont ruinées (souvent au sens financier du terme) et épuisées pendant cinq ans pour brillamment contribuer à remplir les objectifs olympiques. Sans chiffrer son rêve de médailles, le chef de l’Etat a souhaité que la France fasse, a minima, partie des cinq meilleures nations olympiques en 2024. (...)

Le manège rhétorique fonctionne peut-être devant d’autres publics. Mais athlètes confirmés et autres aspirants à la médaille n’ont pas envie d’entendre de telles inepties : ils veulent du concret. Qu’on leur parle des aides envisageables pour les trois ans qui les séparent des prochaines olympiades, d’un plan pour former plus d’entraîneurs, d’éducateurs avec des vraies compétences ou de moyens financiers mis dans le développement des clubs.

« Se dire qu’on va faire 90 médailles à Paris 2024… non » (...)

c’est au début du quinquennat qu’il aurait fallu mettre le paquet. Au moment même où les Jeux ont été attribués à Paris, en 2017. Ce moment où l’ancienne ministre des Sports Laura Flessel évoquait déjà l’ambitieux objectif de 80 médailles. Qui apparaît aujourd’hui démesuré, tant les investissements en faveur du sport n’ont pas suivi.

L’ANS devait alors se substituer au ministère des Sports en vue des Jeux, et permettre le développement des structures dédiées aux athlètes partout en France. Or ses prérogatives et les moyens qui lui ont été alloués ont été bien trop limités pour espérer une première « montée en gamme » lors des JO de Tokyo cet été. (...)

Si le Président parle d’un bilan « mitigé », qu’on ne s’y trompe pas : les 33 médailles grappillées (olympiques et paralympiques) au Japon (contre 42 à Rio en 2016) sont peu ou prou conformes à ce que la France pouvait espérer, au vu de l’intérêt minime porté par le gouvernement pour le secteur jusqu’ici.

Le discours présidentiel n’a d’ailleurs pas l’air d’avoir convaincu les concernés. Teddy Riner, plutôt bien placé pour savoir de quoi il en retourne, vu le nombre de récompenses récoltées dans sa carrière : « La France est une grande nation de sport mais se dire qu’on va faire 90 médailles à Paris 2024, non. Faut faire beaucoup plus de choses pour prétendre à 90 médaillés dans trois ans. » Avant de résumer la pensée de beaucoup : « Il fallait investir déjà sept ans en arrière dans le sport, massivement. »

Et suivre les recommandations de la cellule de haute performance montée sur mesure en 2017 afin de dicter une ligne directrice sur sept ans. Emmanuel Macron en a repris aveuglément certains points lundi. (...)

Claude Onesta, l’ancien entraîneur des handballeurs français, deux fois doré aux Jeux et désormais manageur de la haute performance, vient de remettre au gouvernement ses préconisations en vue des JO de Paris. Une fois n’est pas coutume, espérons que l’exécutif le suive au pied de la lettre. Pas sûr que les athlètes doivent être les seuls à « en faire beaucoup plus ».