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Médiapart
Palestine : Mahmoud Abbas sommé de « dégager »
Article mis en ligne le 1er juillet 2021

La mort suspecte d’un opposant dans les locaux de la Sécurité palestinienne confirme et aggrave les accusations d’autoritarisme et de corruption adressées au président de l’Autorité palestinienne par les manifestants qui dénoncent le bilan désastreux de ses quinze ans de pouvoir. Et réclament sa démission.

Combien de temps encore le président palestinien Mahmoud Abbas pourra-t-il répondre à la révolte de son peuple par la répression ? Convaincu de bénéficier du soutien des Occidentaux et du feu vert israélien, il semble décidé à affronter la vague de rejet populaire dont il est la cible en faisant rafler par sa police les organisateurs connus du mouvement de protestation. Et en lançant ses forces antiémeutes contre les manifestants qui réclament depuis des semaines son départ.

L’hypothèse d’une autocritique, la nécessité d’un dialogue avec les opposants ne paraissent pas l’avoir traversé. Pourtant, confronté à un peuple qui a opposé à l’armée israélienne deux soulèvements – intifadas – historiques en moins de quinze ans et qui cultive une mémoire vivace de ses moments patriotiques, il est loin d’être sûr à terme de la victoire. Même si des accalmies provisoires peuvent lui donner l’illusion d’être dans la bonne voie.

Car ce qui se joue actuellement dans les rues de Ramallah et des autres villes de Cisjordanie sous contrôle de l’autorité palestinienne n’est pas une simple éruption de « dégagisme », réplique tardive des séismes qui ont ébranlé ou abattu d’autres régimes arabes depuis 2010.

C’est l’explosion d’une colère qui gronde depuis longtemps parmi la jeunesse de Palestine. Et qui est alimentée jour après jour par les arrestations de manifestants et de militants de l’opposition recensées par les défenseurs locaux des droits humains.

C’est désormais une évidence : élu en 2005, dans le sillage des accords Oslo, à la tête de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas – Abou Mazen pour ceux qui utilisent encore son « nom de guerre » – a perdu, au fil des ans, toute crédibilité, surtout aux yeux des jeunes. Pour deux raisons principales.

Artisan majeur de la stratégie du processus de paix qui devait aboutir à la création d’un État de Palestine indépendant, il n’a pu obtenir ni l’indépendance, ni la paix. Ni même la préservation de l’espace géographique qui devait servir de base à la négociation : il n’a pu empêcher ni la construction du mur de séparation/annexion, ni le développement continu de la colonisation, qui a définitivement enterré tout espoir de naissance d’un État viable.

Certes, l’indécision proverbiale, la santé défaillante – il a 86 ans – et la maladresse diplomatique du président palestinien ne sont pas seules responsables de cet échec. L’incompétence, la désinvolture, la mauvaise maîtrise des dossiers de certains de ses collaborateurs, les rivalités et les querelles internes à l’Autorité, à l’OLP et au Fatah, y sont aussi pour quelque chose. (...)

Car ce qui se joue actuellement dans les rues de Ramallah et des autres villes de Cisjordanie sous contrôle de l’autorité palestinienne n’est pas une simple éruption de « dégagisme », réplique tardive des séismes qui ont ébranlé ou abattu d’autres régimes arabes depuis 2010.

C’est l’explosion d’une colère qui gronde depuis longtemps parmi la jeunesse de Palestine. Et qui est alimentée jour après jour par les arrestations de manifestants et de militants de l’opposition recensées par les défenseurs locaux des droits humains.

C’est désormais une évidence : élu en 2005, dans le sillage des accords Oslo, à la tête de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas – Abou Mazen pour ceux qui utilisent encore son « nom de guerre » – a perdu, au fil des ans, toute crédibilité, surtout aux yeux des jeunes. Pour deux raisons principales.

Artisan majeur de la stratégie du processus de paix qui devait aboutir à la création d’un État de Palestine indépendant, il n’a pu obtenir ni l’indépendance, ni la paix. Ni même la préservation de l’espace géographique qui devait servir de base à la négociation : il n’a pu empêcher ni la construction du mur de séparation/annexion, ni le développement continu de la colonisation, qui a définitivement enterré tout espoir de naissance d’un État viable.

Certes, l’indécision proverbiale, la santé défaillante – il a 86 ans – et la maladresse diplomatique du président palestinien ne sont pas seules responsables de cet échec. L’incompétence, la désinvolture, la mauvaise maîtrise des dossiers de certains de ses collaborateurs, les rivalités et les querelles internes à l’Autorité, à l’OLP et au Fatah, y sont aussi pour quelque chose. (...)

Surtout, la présence au pouvoir, en face de lui, pendant plus de dix ans, de Benjamin Netanyahou, arc-bouté sur un statu quo armé et soutenu par Washington, notamment durant les quatre années d’administration Trump, a « mis dans le formol », selon la formule d’un conseiller de Sharon, toute possibilité de négociation. (...)

L’autre raison de la rupture entre Mahmoud Abbas et son peuple tient à sa gouvernance chaotique et à son indifférence à l’égard des règles de la démocratie. Élu depuis quinze ans et reconduit de facto dans ses fonctions, sans élection, à quatre reprises, Mahmoud Abbas n’a plus depuis longtemps, aux yeux de son peuple mais aussi de nombre d’interlocuteurs étrangers, la moindre légitimité démocratique.

Sans charisme, dépourvu du passé de combattant dont usait – et abusait parfois – son prédécesseur Yasser Arafat, il siège dans son bunker de la Mouqata au sommet d’un système désavoué, rongé par la corruption et le népotisme, protégé et paralysé par sa « coopération sécuritaire » avec Israël – sa « collaboration » selon ses ennemis –.

Incapable, malgré l’aide répétée du régime égyptien, de parvenir à une « réconciliation » avec les islamistes du Hamas qui contrôlent la bande de Gaza, il a aussi été critiqué pour son silence et sa passivité lorsqu’en mai les colons, protégés par l’armée et la police israélienne, ont multiplié les intrusions provocatrices sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem. Au moment où, dans le quartier de Sheikh Jarrah, à moins de 2 km de la Vieille Ville, des résidents palestiniens étaient menacés d’expulsion pour faire place à une nouvelle colonie. (...)

Ce constat de la dérive autoritaire des institutions palestiniennes reprochée depuis longtemps à Abbas vient d’être confirmé par la mort, jeudi dernier, d’un résident de Hébron, Nizar Banat, peu après son arrestation par la police. Ancien membre du Fatah, Banat était connu pour la sévérité de ses critiques et de ses dénonciations sur les réseaux sociaux de la corruption de l’Autorité et de ses dirigeants.

Les organisations locales de défense des droits de l’homme affirment, comme sa famille, que l’autopsie du corps de l’opposant qui leur avait été rendu par la police quelques heures après son arrestation, en pleine nuit, au domicile de son cousin où il résidait, portait de nombreuses blessures et présentait des traces de sang dans les poumons. Ce qui semblait révéler qu’il avait été violemment battu, voire torturé. (...)

Preuve évidente des méthodes brutales utilisées par les services de sécurité palestiniens pour réduire au silence les voix dissidentes, l’arrestation et la mort suspecte de Nizar Banat révélaient en outre la collaboration concrète entre les services de sécurité de l’Autorité et ceux de l’occupant israélien dans la répression des opposants. (...)

Preuve évidente des méthodes brutales utilisées par les services de sécurité palestiniens pour réduire au silence les voix dissidentes, l’arrestation et la mort suspecte de Nizar Banat révélaient en outre la collaboration concrète entre les services de sécurité de l’Autorité et ceux de l’occupant israélien dans la répression des opposants. (...)

Alarmé par le retentissement local et international de « l’affaire Banat » que des messages sur les réseaux sociaux comparent à l’assassinat du dissident saoudien Jamal Khashoggi, le premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a annoncé la mise en place d’une commission d’enquête dotée de larges pouvoirs d’investigation. (...)

Trop tardive, trop peu crédible, cette réaction du premier ministre n’a pu empêcher l’organisation de nouvelles manifestations, ni la démission de son ministre du travail, Nasri Abou Jaish, membre du Parti du peuple palestinien al Chaab issu de l’ancien parti communiste palestinien. « Nous ne pouvons pas rester dans un gouvernement qui n’est pas en mesure de protéger les libertés », a déclaré le secrétaire général du parti, Bassam as-Salhi.

Moins d’un mois après la mise en circulation sur les réseaux sociaux d’une pétition signée par plusieurs milliers de Palestiniens, universitaires, intellectuels, politiciens, militants, demandant solennellement à Mahmoud Abbas de démissionner, « l’affaire Banat » et la démission du ministre du travail le plaçant dans une position intenable. (...)