
Il y a environ 2 400 ans, Platon a eu une vision de la République. L’ouvrage qu’il a rédigé à l’époque est le premier exemple de la fascination qu’exerce sur nous l’idée selon laquelle nous pourrions, si nous avions la possibilité de construire une nouvelle société à partir de zéro, nous débarrasser de tous les défauts qui empêchent notre société actuelle d’atteindre la perfection.
En pratique, ce que cela signifie réellement, c’est se débarrasser des humains, ce qui n’aurait pas été un problème au sein de la République, puisqu’aucune personne saine d’esprit n’aurait voulu y vivre. Ce que décrivait Platon, en gros, c’était un État totalitaire à la Hogwarts, avec un Dumbledore fasciné par l’eugénisme au lieu de la magie.
Platon croyait que c’était là un faible prix à payer pour vivre dans une Cité juste dirigée par des philosophes-rois. Or, il semble que nos philosophes-rois des temps modernes soient eux aussi séduits par l’idée, surtout maintenant que quelques réfugiés viennent frapper aux portes de l’Europe.
Les riches ont pris conscience que le système existant pour gérer le nombre record de personnes déplacées dans le monde ne fonctionnait pas et ils sont désormais prêts à tout essayer (sauf les laisser s’installer chez eux, évidemment).
L’une des idées qui gagnent en popularité est celle selon laquelle nous pourrions faire d’une pierre deux coups en fournissant aux réfugiés un endroit où s’installer et en donnant un nouveau souffle aux régions européennes en déclin. Selon Anne-Marie Slaughter, PDG du groupe de réflexion New America, les réfugiés « pourraient être accueillis non pas dans des camps, mais dans des proto-villes où la “communauté mondiale” [...] peut encourager l’espoir d’une vie différente, plus sûre, en semant les graines positives de la connaissance, du capital et de l’autonomie politique progressiste ».
Mme Slaughter cite le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, qui cherche actuellement à acheter une île grecque où les réfugiés pourraient fonder une nouvelle société. (...)
Il est intéressant de noter que ces plans semblent toujours être proposés par des individus extrêmement fortunés, et non par les personnes déplacées elles-mêmes.
Ce qui est plus inquiétant, c’est le fait que Killian Kleinschmidt – l’ancien gestionnaire du camp de réfugiés jordanien de Zaatari pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) – ait suggéré une approche similaire. (...)
Si nous n’avons pas réussi à persuader nos propres citoyens de rester dans les villages pauvres, pourquoi diable croyons-nous que les réfugiés pourraient vouloir s’y installer ? (...)
Ce régime inconstitutionnel, facilement récupéré par une élite, est, tout comme la République de Platon, fondamentalement antidémocratique.
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Les problèmes que nous croyons liés à la migration concernent en réalité l’urbanisation – et il reste encore beaucoup à faire pour les résoudre. (...)