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Basta !
Négociations climat : comment éviter les désillusions et reprendre notre avenir en main ?
Maxime Combes, économiste, membre d’Attac France et de l’Aitec.
Article mis en ligne le 23 juin 2015
dernière modification le 18 juin 2015

À six mois de la conférence COP 21 qui doit se tenir à Paris, aucun texte d’accord valable n’a encore été posé sur la table mondiale des négociations. Les deux semaines de discussions qui viennent de se dérouler à Bonn, en Allemagne, n’ont rien changé. Va t-on rejouer le même scénario dramatique qu’en 2009 à Copenhague, avec les multinationales en coulisses ? Dans ce texte qui décortique les acteurs en place, l’économiste Maxime Combes, et contributeur de Basta !, interroge la manière dont les rapports de force pourraient être inversés. Afin de faire de la Cop 21 un moment déterminant pour sortir de l’âge des fossiles.

(...) D’un côté nous avons ceux qui pensent que les conditions d’un accord sont (presque) réunies. Les Etats-Unis et la Chine ont signé une déclaration conjointe qui les engagent respectivement à réduire leurs émissions et à ne plus les augmenter, preuve de leur volonté d’aboutir à un accord à Paris. Tendance qui serait confirmée par la déclaration du G7, jugée comme positive en raison de la mention du terme « décarbonisation ». En acceptant de négocier sur la base d’un texte unique, l’ensemble des pays de la planète auraient également exprimé leur désir d’un accord. Ces acteurs et commentateurs des négociations, comme Pascal Canfin, ancien ministre du développement, font également remarquer que les engagements pris par une série de multinationales et d’acteurs financiers en matière de climat – y compris Standard & Poor’s qui annonce vouloir intégrer l’évaluation du risque climat dans sa notation des entreprises – n’auraient pas été envisageables avant Copenhague. Enfin, la compétitivité accrue des renouvelables serait le signal-prix qui manquait, preuve que nous serions « à un point de basculement vers l’économie bas carbone ». (...)

De l’autre côté, nous avons des acteurs et commentateurs des négociations qui regardent ces mêmes signaux différemment. Ils font remarquer qu’il y avait déjà eu un accord sino-américain engageant les deux pays en prélude de Copenhague, sans que cela n’empêche l’échec. Pas plus que la déclaration du G8 de 2009 qui, par bien des aspects, était plus volontariste que celle du G7 de 2015. Ils ajoutent que les annonces des principaux pollueurs de la planète (Etats-Unis, Union européenne, Chine, Russie, Japon, Canada, Australie, etc) ne sont pas à la hauteur de l’ambition des 2°C et qu’il n’y a aucune raison qu’elles soient (rapidement) revues à la hausse, pas plus avant qu’après Paris.

Pour eux, le boom des renouvelables ne réduit aucunement l’attrait pour les énergies fossiles, secteur dont les investissements ne cessent de progresser, repoussant d’autant l’horizon d’une économie « bas carbone » ou, mieux, « décarbonée ». Tandis que les déclarations de certaines multinationales de l’énergie en faveur de l’introduction d’un prix mondial du carbone sont analysées comme étant le résultat de la concurrence entre les industries gazières et charbonnières : les premières veulent un renchérissement du prix du charbon plus que des politiques permettant de réduire la consommation d’énergies fossiles, engagées qu’elles sont dans l’exploration d’hydrocarbures non conventionnels.

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Comment inverser les rapports de force

Peu convaincus par la possibilité d’obtenir un accord à la hauteur des enjeux à Paris, ces observateurs, dont nous faisons partie, tournent leur regard ailleurs, à la recherche d’autres signaux. Ils regardent vers ces milliers d’étudiants qui ont obtenu que leurs universités désinvestissent des énergies fossiles, encourageant des fonds institutionnels, publics et privés, à en faire autant (Divest, la campagne désinvestissement). Ils regardent vers ces activistes, qui aux quatre coins de la planète, bloquent l’exploitation de nouveaux gisements d’énergies fossiles ou la construction de nouvelles infrastructures (Blockadia). Ils regardent vers tous ces citoyens qui expérimentent de nouvelles façons de vivre, d’habiter, de se loger, de consommer, de se déplacer, donnant à voir ce que pourrait être un monde post-fossile où il fait bon vivre (Alternatiba). Convaincus que les négociations sont déconnectées de la réalité de la globalisation économique et financière, ils se tournent également vers ce qui n’est pas à l’ordre du jour des négociations et qui pourtant génère des impacts majeurs sur le climat, comme les accords de libéralisation du commerce (Tafta, Ceta). (...)

est-il acceptable que des champions de la pollution soient devenus sponsors de la COP21 ? Est-il raisonnable que les gouvernements et chefs d’Etat soient plus enclins à écouter les recommandations des multinationales et des promoteurs du business as usual, qui nous conduisent vers le chaos climatique, que celles portées par les ONG, associations, syndicats et collectifs citoyens ? Comment tolérer que l’Union européenne déclare, en notre nom, à Bonn, qu’il est hors de question de revoir à la hausse les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, alors que les cinq prochaines années sont décisives pour avoir une chance de ne pas dépasser les 2°C ? Autant de signaux contraires à l’idée selon laquelle un (éventuel) accord à Paris pourrait être une étape majeure dans la lutte contre les dérèglements climatiques. Autant de raisons pour ne pas laisser croire à la population que notre avenir doit rester dans les mains de ceux qui négocient cet éventuel accord à Paris. (...)

Ce débat est fondamental car il touche au cœur du problème : quels sont les leviers à activer pour sortir de l’âge des fossiles, tout en assurant la démocratie et la justice sociale ? Immense débat qui ne peut se réduire à l’interprétation de signaux épars et contradictoires pour commenter des négociations qui n’ont jamais fait preuve de leur efficacité.