
Selon l’accord trouvé vendredi 11 avril à l’Organisation maritime internationale (OMI), une norme sur les carburants intégrera un système de prélèvement sur les émissions de gaz à effets de serre en fonction de leur niveau de carbone. Mais l’ambition du texte fait des déçus. Le secteur maritime, responsable de 3 % des émissions mondiales, doit atteindre la neutralité carbone dans 25 ans.
« Une victoire pour le multilatéralisme, un échec pour le climat. » C’est comme cela que l’ONG spécialisée Transport et Environnement juge le texte voté à l’issue d’une semaine de négociations vendredi soir 11 avril au siège londonien de l’OMI.
La 83ème session du Comité de la protection de l’environnement marin (MEPC) de l’OMI, l’agence onusienne en charge de réguler le secteur maritime, s’est achevée dans la douleur sur un accord. L’ambition des mesures prises est en effet trop faible aux yeux de nombreux acteurs. Parmi eux, les États insulaires, dont l’existence est compromise par la montée des eaux et qui sont très impliqués dans les négociations climatiques.
Les ONG de la Coalition pour une industrie maritime propre dénoncent le « manquement aux objectifs climatiques de l’organisme des Nations unies pour 2030, 2040 et 2050 et pour leur manquement aux besoins des populations et des régions les plus vulnérables au changement climatique ».
Le compromis a été voté à la majorité des 1 200 délégués, faute de consensus sur le texte, le mode de vote habituel dans ce genre d’instances diplomatiques. Au total, 63 se sont prononcés pour, dont l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, Singapour et la Norvège. Seize ont voté contre, essentiellement les pays pétroliers, Arabie saoudite, Venezuela, Émirats arabes unis et la Russie. Puis 25 autres n’ont pas pris part au vote, dont les États insulaires des Caraïbes et du Pacifique, ainsi que l’Argentine.
L’accord, qui devra être formellement adopté en octobre, enclenche l’instauration d’un système de tarification des émissions carbone. (...)
Une norme sur l’intensité du carbone
« Le bilan est mitigé, analyse la Dr Marie Fricaudet, chercheuse à l’Institut de l’énergie de l’Université de Londres (UCL), qui a observé les discussions. C’est la première tarification sur le carbone à l’échelle internationale. Ce n’est pas un consensus, mais on a vu un grand nombre de pays se mettre d’accord sur une mesure légalement contraignante, c’est à saluer. Les bateaux qui s’arrêtent aux ports des 176 pays membres seront soumis à cette législation. » À partir de 2028, les quelque 100 000 navires de commerces du monde devront soit utiliser des carburants alternatifs, moins carbonés, soit payer pour l’excédent d’émissions. (...)
Le transport maritime n’est pas mentionné dans l’Accord de Paris de 2015 sur le changement climatique, et ses émissions n’apparaissent dans aucune des comptabilités nationales : personne n’en est aujourd’hui responsable.
C’est pour combler ce retard que l’OMI a promis, dans sa stratégie 2023, d’adopter des recommandations techniques pour réduire progressivement les émissions de gaz à effet de serre liées jusqu’à atteindre l’objectif de zéro émissions nettes en 2050. Une transition qui se veut « juste et équitable ».
L’option d’une taxe mondiale sur les émissions carbonées des navires avait fini par rallier une solide coalition de pays (États insulaires, UE, Afrique…). Mais un groupe emmené par le Brésil et la Chine s’y opposait et préférait agir seulement sur la décarbonation des combustibles.
Le compromis trouvé combinera finalement les deux : une norme mondiale sur l’intensité du carbone des carburants qui entraînera, dans les cas de son non-respect, une forme de taxation des émissions.
Un système à trajectoire double (...)
Une incitation aux carburants peu durables (...)
Les revenus générés, estimés à environ 10 milliards de dollars par an, doivent servir à soutenir financièrement les pays en développement dans le cadre de la transition énergétique du transport maritime. « C’est très faible par rapport à ce que certains États espéraient. Mais l’architecture est en place et les mesures seront révisées en 2030 pour être renforcées », tempère Marie Fricaudet.
Une partie des recettes sera réservée pour constituer une prime pour des carburants propres, non compétitifs aujourd’hui mais cruciaux pour atteindre les objectifs (...)
Les États-Unis ont tenté de jouer les trublions
Si la diplomatie multilatérale n’est pas morte, certains ont pourtant ouvertement tenté de torpiller les négociations, déjà ardues. Absents dès le début de la session lundi, les États-Unis ont même appelé les autres pays, via leurs ambassades, à le quitter.
Mercredi 9 avril, ils ont justifié leur politique de la chaise vide dans une note diplomatique au ton ni amène ni conciliant, caractéristique de l’administration Trump : « Les États-Unis refusent tous les efforts visant à imposer contre ses navires des mesures économiques basées sur les émissions de gaz à effet de serre ou le choix du carburant. » (...)
La première puissance maritime au monde en terme d’espace n’a cependant pas troublé outre-mesure le processus. (...)