
« Quand on dit que les gouvernants ont de puissance, selon la justice, que par le consentement des gouvernés, je crois qu’on manque l’idée. C’est remonter au déluge. De toute façon : car, d’un côté, c’est partir à la recherche d’une race pure et non croisée ; si un Irlandais a seul droit de gouverner les Irlandais, le plus pur Irlandais aura aussi le droit le plus clair ; et, d’un autre côté, c’est vouloir construire les nations d’après le modèle patriarcal. Le fils obéit au père, il n’obéirait pas à un étranger. « Et s’il me plaît, à moi, d’être battue » ; c’est la formule la plus parfaite de l’esprit national en tous pays. Fouetté, le citoyen veut bien l’être. Mais il regarde aux baguettes ; il veut savoir dans quel bois on les a coupées.
Le faible des démocraties est qu’elles déposent trop aisément leurs rois éphémères. Cette puissance purement négative ne résout rien, d’autant que comme il n’y a pas tant d’hommes qui sachent le métier de roi, tant bien que mal, nous voyons toujours revenir les mêmes rois ; et les chutes font noblesse et force, comme aux récidivistes ces innombrables condamnations, qui désarment le juge. Le citoyen n’a pas encore bien saisi cette idée que tout pouvoir est mauvais, s’il n’est surveillé, mais que tout pouvoir est bon, autant qu’il sent une résistance pacifique, clairvoyante et obstinée. La liberté n’est pas d’institution ; il faut la refaire tous les jours.(...)
Les pouvoirs sont arrogants en guerre, inquiets et flexibles en paix, comme on a vu et comme on voit. Cette loi trouve son application dans les luttes intérieures aussi.(...) Wikio