
Depuis dix jours, la ville de Chemnitz, en Saxe, est devenue le lieu de rendez-vous pour tout ce que l’Allemagne compte de militants d’extrême-droite, identitaires ou ouvertement néo-nazis. Ils s’y livrent à des manifestations et à de véritables chasses au réfugié. Ces violences ont été précédées de campagnes de haine orchestrées en ligne. Des études récentes montrent à ce sujet que plus la xénophobie et la haine verbales sont diffusées via les réseaux sociaux, plus elles facilitent le passage à l’acte dans la vie réelle.
Une moyenne de six agressions racistes par jour en Allemagne
Le lundi soir, le 27 août, plusieurs milliers de militants d’extrême droite se retrouvent de nouveau dans les rues de Chemnitz, dont des néonazis venus de toute l’Allemagne. Encore une fois, l’atmosphère est tendue, les slogans xénophobes fusent et les étrangers chassés, alors qu’un millier d’antifascistes organisent aussi une contre-manifestation. Trois jours plus tard, l’extrême droite appelle à un nouveau rassemblement. « Des gens qui ne se connaissaient que via des groupes de diffusion de fake news sur facebook se retrouvent à Chemnitz. De nombreuses cartes de visite et numéros de téléphone ont été échangés », rapporte le portail d’info et de veille sur l’extrême droite Belltower News.
La région de Saxe, où se trouve la ville de Chemnitz, a vu naître en 2014 le mouvement Pegida, abréviation de « Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident ». Dans cette région frontalière avec la République tchèque et la Pologne, le parti de l’AfD a enregistré un score de plus de 25 % des voix aux élections législatives de 2017. La présence de l’extrême droite néonazie n’y est pas non plus nouvelle. Et comme partout en Allemagne, elle semble y prendre de l’ampleur (...)
Campagne de haine coordonnée en ligne
Sur le net aussi, les agressions racistes et la rhétorique d’extrême droite se propage outre-Rhin. Le site Belltower News s’est penché en août sur une série d’études réalisées sur le sujet [3]. L’une de ces enquêtes décortique « la fabrique des trolls d’extrême droite et l’écosystème de campagnes de haine coordonnées sur le net » et a été réalisée par l’Institute for Strategic Dialogue, un think tank basé à Londres. Ses chercheurs ont analysé 1,6 million de posts d’extrême droite sur les réseaux sociaux allemands – twitter et les pages publiques de facebook. Les auteurs de l’étude ont constaté que le nombre de publications racistes, xénophobes, antisémites, a triplé pendant l’année 2017. Ces publications ont pour origine des campagnes organisées par des réseaux en ligne d’extrême droite comme « Reconquista Germanica » et des cercles identitaires [4].
Les hashtags comme #120dB – un "MeToo" raciste dénonçant exclusivement les violences sexuelles venant de migrants – ou ceux, pro-AfD – comme « Merkel doit partir » (#Merkelmussweg) – ont été « maintenus en ligne pendant des semaines par ces campagnes coordonnées de l’extrême droite », explique l’étude, puis repris « par des comptes de personnalités de l’AfD ou par des médias russes comme RT ou Sputnik », avant d’atterrir dans les médias mainstream. L’analyse de 700 posts, de plus de 16 000 commentaires et d’1,2 million de « j’aime » (likes) a par ailleurs montré que 5 % des comptes actifs dans ces campagnes haineuses étaient responsables de la moitié des likes de commentaires haineux [5].
De la haine virtuelle sur Facebook à l’agression « dans la vie réelle » (...)
quand il y a davantage de posts hostiles aux réfugiés, le nombre d’incendies, d’attaques et de dégradations contre les centres d’accueil des réfugiés augmente. (...)
En fin de journée, en marge de la manifestation, une jeune homme Afghan de 20 ans a été attaqué et battu par quatre personnes aux visages masqués, a fait savoir la police allemande.