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Diffractions
Mondialisation et régionalisation des flux migratoires
Article mis en ligne le 3 avril 2013
dernière modification le 31 mars 2013

Diffractions publie avec l’assentiment de son auteur, Catherine Wihtol de Wenden, un projet d’ouvrage collectif dans le cadre du Festival des Migrations. Nous la remercions expressément et précisons qu’elle conserve tous ses droits sur l’article qui n’est pas soumis à notre licence habituelle.

Introduction

En ce début du vingt et unième siècle, les migrations internationales ont pris un essor sans précédent. Mais, à la différence du passé, ce ne sont plus les Européens qui ont émigré de par le monde, l’Europe étant au contraire devenue l’une des premières destinations migratoires, en proie à un déclin démographique, mais la planète entière qui est en mouvement, notamment les sud.

De nouvelles destinations se sont fait jour, comme les pays du Golfe, le continent africain, certains pays asiatiques, tandis que des pays de départ sont devenus des pays d’accueil et de transit, comme l’Europe du sud, puis le Mexique, la Turquie et les pays du Maghreb. Ces migrations se sont mondialisées depuis trente ans, et ont triplé depuis le milieu des années 1970 : 77 millions en 1975, 120 millions en 1999, 150 millions au début des années 2000, près de 240 millions aujourd’hui.

Ce processus va se poursuivre car les facteurs de la mobilité ne sont pas près d’avoir disparu : écarts entre les niveaux de développement humain (qui combinent l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le niveau de vie) le long des grandes lignes de fracture du monde, crises politiques et environnementales, productrices de réfugiés et de déplacés, baisse du coût des transports, généralisation de la délivrance des passeports y compris dans les pays d’où il était hier difficile de sortir, absence d’espoir dans les pays pauvres et mal gouvernés, rôle des media, prise de conscience que l’on peut changer le cours de sa vie par la migration internationale.

Mondialisation et régionalisation des flux

Cette lente mutation s’est effectuée en vingt ans, tandis que les migrations se sont globalisées, les mêmes causes (urbanisation et métropolisation du monde, pression démographique, chômage, information, transnationalisation des réseaux migratoires) produisant partout les mêmes effets (entrée en mobilité de populations hier sédentaires, bien que les plus pauvres ne soient pas encore partis).

Certains lieux sont particulièrement investis par les nouveaux flux, comme les îles de la méditerranée, les îles caraïbes, certains frontières aussi (en Thrace, entre la Grèce et la Turquie) car elles distinguent le monde de la libre circulation de celui des frontières fermées au plus grand nombre. De nouveaux pays, comme les pays émergents, les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) attirent. Dans le même temps, d’immenses migrations internes ont cours : il y autant de migrants chinois à l’intérieur de la Chine que de migrants internationaux à l’échelle mondiale, autour de 240 millions.

Presque toutes les régions du monde sont concernées par les migrations, internes et internationales. (...)

la régionalisation l’emporte dans la logique des flux. Ainsi dans une région du monde donnée, il y a plus de migrants venant d’une même région que d’autres régions du monde (...)

Beaucoup de systèmes migratoires régionaux formés par la logique des flux entre pays de départ et d’arrivée sont entravés dans leur logique par les politiques de contrôles aux frontières. Ainsi, l’Europe fonctionne en synergie migratoire par rapport à la rive sud de la méditerranée, pour des raisons géographiques mais aussi historiques, culturelles, économiques et démographiques, les Etats-Unis par rapport au Mexique, la Turquie et la Russie par rapport à leurs voisins. Des zones de fracture du monde se dessinent ainsi, qui sont à la fois des zones d’intense migration et de contrôles très dissuasifs. (...)

(...)

Conclusion

La régionalisation des flux migratoires dans un contexte de mondialisation de ceux-ci est le résultat , non seulement d’une émergence des sud comme pôle d’attraction pour les nouvelles mobilités, mais aussi de l’élargissement des catégories de migrants, car si les plus pauvres ne sont pas encore partis, les migrants ne sont plus des analphabètes pris en charge comme main d’oeuvre par les pays du nord, comme jadis dans le cas des travailleurs immigrés, ni une élite de réfugiés ou d’intellectuels éduqués venus pour faire des études ou des affaires, mais le fruit du vaste mouvement d’urbanisation de la planète qui met en mouvement des catégories de migrants, forcés et volontaires, de plus en plus nombreuses.

Comme les plus pauvres vont moins loin dans leur odyssée migratoire que les plus déterminés et les plus nantis et comme de nouveaux pôles se sont dessinés ailleurs qu’au nord, on tend vers une régionalisation plus poussée des flux avec parfois des phénomènes de concurrence entre différentes régions et systèmes migratoires  : tel est le cas des migrants d’Asie centrale, pris entre le monde russe et le monde turc comme pôles d’attraction ou des migrants du Maghreb, attirés par l’Europe et les pays du golfe, selon les liens qu’ils ont tissés.