
Loin de corriger les inégalités entre groupes sociaux, l’organisation du système de soins et les pratiques des professionnels de santé les aggravent. La sociologie des rapports sociaux montre qu’on ne recourt pas de la même façon aux soins, et que ceux-ci ne sont pas non plus organisés de la même façon, selon la classe à laquelle on appartient.
Le dossier de la revue Agone, intitulé « Quand la santé décuple les inégalités » et coordonné par Maud Gelly et Laure Pitti, présente huit textes qui étudient la question des inégalités au prisme de la santé. Partant du constat de fortes inégalités de santé en France, les deux coordinatrices du dossier ont décidé d’étudier le rôle joué par les systèmes de santé dans la production, comme dans la lutte contre, les inégalités sociales, la santé n’étant plus analysée seulement comme une conséquence des inégalités sociales mais également comme une cause de ces dernières.
La sociologie des rapports sociaux au chevet des systèmes de santé (...)
La prise en charge médicale s’avérant moins bonne quand le patient a des difficultés à interagir avec les soignants, à expliquer sa pathologie, ou à verbaliser tout simplement, une analyse de la qualité des soins prodigués permet de ne pas en rester à la question de l’accès. La « différenciation de la qualité des soins selon les groupes sociaux » (p. 13) oblige en effet à appréhender l’interaction médecin – patient également à partir des relations de pouvoir, de classe, de sexe et de race qui s’y entrecroisent, s’y renforcent et l’influencent.
La question centrale du dossier est de savoir si l’organisation du système de soins et les pratiques des professionnels contribuent à aggraver ou à corriger les inégalités entre groupes sociaux. Cette question se retrouve en filigrane dans l’ensemble des contributions, qui ont pour point commun de se pencher sur des pratiques médicales qui changent « selon les milieux et le système de soins dans lesquels elles s’exercent, selon les rapports de force qui s’y jouent » (p. 14) aussi. Les huit articles qui composent le dossier visent à « comprendre comment et pourquoi le système de soins n’est pas en mesure de compenser les inégalités sociales de santé, et contribue à les (re)produire » (p. 17). Ils peuvent être présentés en deux sous-axes : l’un se penche sur les rapports sociaux à l’œuvre dans les inégalités de santé et l’autre sur l’évolution du système de santé – tendant à se privatiser selon les auteurs – qui modifie l’organisation des soins en conséquence. (...)