
Selon des travaux franco-britanniques, les deux versions du traitement commercialisé auprès des malades de la thyroïde ne sont pas substituables pour chaque individu.
Ni hystérie collective, ni complotisme des patients, ni « effet nocebo » géant. Deux ans après les premiers signalements d’effets indésirables attribués à la nouvelle formule du Levothyrox, des travaux franco-britanniques, publiés jeudi 4 avril dans la revue Clinical Pharmacokinetics, objectivent pour la première fois les plaintes déclarées par plusieurs dizaines de milliers de malades de la thyroïde.
Ils indiquent que les deux formulations du médicament commercialisé par Merck ne sont pas substituables pour chaque individu : près de 60 % des patients pourraient ne pas réagir de la même manière aux deux versions du médicament. Ces travaux sont susceptibles de remettre en cause le plan de développement prévu par la firme pour sa nouvelle version du Levothyrox, qui doit être déployée dans 21 pays européens au cours des prochains mois.
Ces résultats seront difficilement réfutables par le laboratoire et les autorités de santé, puisqu’ils sont fondés sur une réanalyse des données fournies par le laboratoire lui-même à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Au passage, la crédibilité de l’agence en sort écornée : en creux, les travaux conduits par le biostatisticien Didier Concordet (université de Toulouse, INRA, Ecole nationale vétérinaire de Toulouse) et ses coauteurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Université de Londres, montrent que l’ANSM n’a pas procédé à une analyse indépendante des données fournies par Merck à l’appui du changement de formule : elle s’est entièrement reposée sur l’interprétation qu’en a faite la firme. Sollicitée, l’agence n’était pas en mesure de réagir jeudi matin. (...)
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. Publiés ce jeudi dans la revue médicale Clinical Pharmacokinetics, ces travaux inédits écornent les versions officielles délivrées jusqu’alors. Et donnent, pour la première fois, un fondement aux effets indésirables décrits par des milliers de patients, et surtout de patientes, depuis le changement de formulation du Levothyrox, il y a deux ans. (...)
que dit la publication franco-britannique, menée par des chercheurs en biostatistique et en pharmacologie de l’université de Toulouse, de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l’université de Londres ? Que contrairement à ce que disent les autorités, près de 60 % des patients ne réagissent pas de manière identique à l’ancienne et la nouvelle formule des comprimés de Merck. En bref, les études de bioéquivalence fournies par le laboratoire (et dont les chiffres ont été réanalysés par les chercheurs) auraient tenu compte de moyennes, et non des réactions individuelles des patients.
Or, « on soigne des malades, pas des moyennes », constate Pierre-Louis Toutain, coauteur des travaux, que Le Parisien a contacté. Le pharmacologue donne une image : « Vous ne savez pas nager. Il faut traverser une rivière qui fait un mètre de profondeur, en moyenne. Est-ce que vous y allez facilement ? Non, car il n’est pas dit qu’elle ne fasse pas deux mètres à un endroit. » Pour le Levothyrox, c’est pareil : les moyennes sont bonnes, mais les réactions individuelles diffèrent. Ce qui pourrait expliquer, en partie, les maux de tête, vertiges, douleurs musculaires, chutes de cheveux… déclarées par de nombreux malades. « Il n’y a pas de faute réglementaire de la part du laboratoire », insiste Toutain.
Merck conteste
Les chercheurs avancent une piste pour expliciter la variabilité des réactions. Le lactose de l’ancienne version a été remplacé par de l’acide citrique et du mannitol. Or ce dernier pourrait modifier l’absorption de la molécule active au niveau de l’intestin. « C’est une extrapolation scientifiquement contestable », s’étrangle le laboratoire.
« Cet article conclut que le produit ne serait pas substituable. Or la nouvelle formule satisfait plus de 2,5 millions de patients », affirme Merck, contestant la méthodologie des experts et réaffirmant la bonne qualité de son médicament.
« Cette publication est un pas énorme pour les patients, veut pourtant croire Beate Bartès. Nous maintenons que l’idéal est de pérenniser la coexistence de l’ancienne et de la nouvelle formule » (...)