
Chers fumeurs,
Nous nous connaissons depuis toujours vous et moi. Notre première rencontre remonte à ma naissance, lorsque je suis sorti de cette maternité, je vous ai croisé sur le pas de la porte, vous et votre cigarette. Un petit peu de fumée dans mes narines habituées jusqu’alors à l’odeur des milieux médicaux.
Nos chemins n’ont pas cessé de se croiser jusqu’à maintenant. En attendant l’ouverture de la grille devant l’école vous étiez là, vous emmeniez mes camarades en classe. A ce moment là c’est vrai nous nous quittions pour la journée. Mais je savais que je pouvais compter sur votre présence à la sonnerie de la cloche. L’odeur n’a pas changé, malgré les années.
Pendant un moment j’ai eu peur de vous perdre, lorsque j’ai appris qu’on pouvait mourir de la cigarette, un cancer du poumon, qui aurait marqué la fin de cette histoire. Mais j’ai aussi appris que le cancer se soigne de mieux en mieux, j’ai repris espoir, je n’avais plus peur de vous perdre. La routine s’installait, on se voyait tous les matins et tous les soirs et parfois même le midi. La cigarette rythmait ma journée d’écolier : le passage d’un écran de fumée marquait le début et la fin de mes journées.
En entrant au collège, nous ne cessions de nous rapprocher, vous étiez présents à mes côtés dans l’attente du bus qui emmenait moi et une partie d’entre vous au collège et une autre partie de vous vers le travail. Devant les grilles du collèges vous étiez encore là, le rideau de fumée n’a pas bougé, éternel repère. (...)
Nous nous connaissons depuis toujours, vous faites partie de mon quotidien depuis ma naissance, vous rythmez mes journées, vous me rappelez votre présence en stimulant mes cinq sens : je sens votre odeur, je vois votre fumée voluptueuse, je goûte cette sensation amer dans la bouche, je sens votre souffle sur mes joues, j’entends le bruit des briquets.
Je dois être honnête avec vous, je n’ai jamais vraiment voulu vous rencontrer, ni vous fréquenter mais serait une erreur de mal vous connaitre, de vous rejeter sans savoir qui vous êtes. De toutes façons votre présence s’impose à mes sens, je n’ai pas vraiment mon mot à dire là dessus, c’est votre liberté après tout. (...)
Mais sachez, chers fumeurs que je ne vous en veux pas, sachez qu’en aucun cas je suis en colère contre vous, malgré que j’ai pu, moi comme beaucoup d’autres, en subir les conséquences. Je ne vous en veux pas car je sais que vous comme moi sommes victimes d’un système qui nous dépasse, qui nous enfume, qui nous domine... Un lobby surpuissant omniprésent dans nos vies, dans vos vies. Vous n’êtes pas les consommateurs d’une industrie qui pèse des milliards, vous êtes leurs victimes.
Alors, chers fumeurs, essayons de cohabiter, rejetons cette industrie, cette addiction, cette dictature du tabac qui s’impose à nous, fumeurs comme non fumeurs, refusons de nous laisser dominer, empoisonner par un lobby qui se soucie si peu de notre santé, de notre bien-être et de l’environnement. Evadons nous de la prison aux barreaux de fumée.