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Sciences humaines
Les émotions et l’intellect, un dialogue continu
#emotions #intelligence #psychologie
Article mis en ligne le 17 avril 2023
dernière modification le 15 avril 2023

Après plusieurs siècles de dualisme, la psychologie révèle l’imbrication entre émotions et intelligence.

En opposant radicalement l’esprit et le corps, René Descartes (1596-1650) a profondément influencé notre conception des relations entre l’intelligence et les émotions. Pour Descartes, l’esprit est une « substance pensante » immatérielle, alors que le corps est une « substance étendue », c’est-à-dire physique. Dans le cadre de ce dualisme radical, les émotions, nommées « passions », sont conçues comme des actions du corps sur l’esprit. (...)

la conception cartésienne des émotions reste dominante jusqu’à la fin du 19e siècle et imprègne encore les représentations contemporaines des émotions.
Darwin contre Descartes

La publication par Charles Darwin en 1872 de L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux est le point de départ d’un changement majeur de regard sur les émotions. Dans cet ouvrage, Darwin analyse l’expression des émotions d’un point de vue évolutionniste. Il défend l’idée que les diverses formes d’expression émotionnelle ont été sélectionnées au cours de l’évolution des espèces du fait de leur valeur adaptative (...)

La fonction sociale positive que Darwin attribue aux émotions a été confirmée par de nombreuses recherches contemporaines. Ainsi, Frans de Waal, éthologue néerlandais, a développé les idées de Darwin sur le rôle social et adaptatif des émotions en étudiant les interactions des chimpanzés et des bonobos. (...)

De leur côté, les théories psychologiques de l’intelligence, apparues au début du 20e siècle dans la foulée de la création du premier test d’intelligence par Alfred Binet (1857-1911), ont longtemps négligé ses relations avec les émotions. Ainsi la théorie piagétienne du développement intellectuel, basée sur la construction progressive des structures logiques de la pensée suite aux interactions du sujet avec son environnement, ne donne qu’un rôle périphérique aux émotions. (...)

les différents modèles psychométriques de l’intelligence proposés au cours du 20e siècle passent largement sous silence les facteurs émotionnels et motivationnels qui peuvent influencer son fonctionnement. Toutefois, dans les années 1940, David Wechsler (1896-1981), créateur des échelles d’intelligence du même nom, publie plusieurs articles sur les facteurs non intellectuels de l’intelligence, en l’occurrence les traits de personnalité, la motivation et les émotions. Sur la base de sa longue expérience clinique, il souligne qu’il est impossible d’éliminer ces facteurs dans les performances aux tests d’intelligence. Il est dès lors nécessaire de les prendre en compte et d’estimer à leur juste valeur leur influence sur le fonctionnement.
L’anxiété perturbatrice (...)

plus le QI a tendance à être faible, et réciproquement. Cette corrélation ne permet cependant pas de déterminer le sens de la relation entre les deux variables. Il se peut que l’anxiété perturbe les performances intellectuelles, mais il est également possible qu’un faible niveau d’intelligence génère une grande anxiété en situation de test. De nombreuses recherches récentes ont montré que les relations entre l’anxiété et le fonctionnement cognitif sont circulaires. (...)

Émotions et cognition

Le développement de la neuropsychologie à partir des années 1980 conduit à une révision profonde des relations entre émotions et pensée rationnelle. L’étude de patients cérébrolésés présentant des dissociations cognitives, c’est-à-dire la perte de certaines fonctions habituellement associées à d’autres qui, elles, restent intactes, a permis de mieux comprendre le rôle que jouent les émotions dans le développement et le fonctionnement normal de nos aptitudes intellectuelles. En 1994, Antonio Damasio offre une première synthèse de ces recherches dans son ouvrage L’Erreur de Descartes. (...)

Les émotions guident ainsi nos premiers comportements et nos premières prises de décision. Elles sont non seulement à l’origine de notre pensée, mais aussi de notre conscience d’exister et du sentiment d’être soi.

L’intelligence émotionnelle, une notion débattue (...)

De ce point de vue, toutes les émotions ont leur importance, même celles que nous jugeons a priori négatives. Ainsi, notre capacité à percevoir la tristesse d’autrui, à comprendre ce qu’elle recouvre et comment elle peut évoluer est à la base de nos comportements d’empathie et de soutien social. De même, une colère bien canalisée peut porter un discours politique et lui donner un impact considérable.

Compétence émotionnelle (...)

L’utilisation de ce terme a permis de circonscrire un champ de recherche relativement indépendant des débats qui agitent le domaine de l’intelligence, tout en soulignant la dimension cognitive du traitement des émotions. (...)

Les recherches récentes se sont intéressées aux facteurs qui influencent ces compétences et leur développement. On considère aujourd’hui que le développement des compétences émotionnelles est sous-tendu par de multiples facteurs génétiques et environnementaux en interaction. Plusieurs études se sont aussi penchées sur la possibilité de développer les compétences émotionnelles des adultes et ont pu montrer que des améliorations substantielles et durables sont possibles. Toutes ces recherches soulignent la valeur adaptative des émotions, pour autant que les processus cognitifs chargés de leur gestion soient correctement développés. D’évidence, nous avons dépassé l’opposition cartésienne entre pensée et émotions en concevant celles-ci en termes d’intégration.