Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Les « Uber Files », symbole de l’action néolibérale d’Emmanuel Macron
#uber #Macron #neolibéralisme
Article mis en ligne le 19 juillet 2023

Le rapport d’enquête parlementaire sur les « Uber Files » confirme qu’Emmanuel Macron a bien agi en coulisses en faveur d’Uber lorsqu’il était ministre de l’économie. Depuis 2017, le document pointe le laisser-faire de l’exécutif sur le marché des plateformes numériques. Un résumé du fonctionnement néolibéral de la Macronie.

L’ambiance fut tendue entre les député·es de la majorité et de l’opposition membres de la commission d’enquête sur les « Uber Files ». Il faut dire que le sujet est sensible : cette instance a été lancée après les révélations l’été dernier d’un consortium de médias internationaux, dont Le Monde et Radio France font partie, mettant notamment en cause les liens de proximité entre Emmanuel Macron quand il était ministre de l’économie entre 2014 et 2016 et la sulfureuse firme Uber.

Pour présenter les conclusions du rapport, deux conférences de presse distinctes ont été organisées mardi 18 juillet. L’une par la rapporteure La France insoumise (LFI) Danielle Simonnet, à l’initiative de cette commission d’enquête ; et l’autre par le président Renaissance de cette commission Benjamin Haddad, très critique vis-à-vis de ses conclusions. (...)

Du côté de la députée LFI – qui a rédigé le gros du rapport –, le bilan est sans appel : avec Emmanuel Macron aux affaires, l’État s’est mis est « au service des plateformes hors la loi » comme Uber. En total désaccord, Benjamin Haddad a lui jugé que Danielle Simonnet avait réalisé un travail « partisan et complotiste ». Rien que cela !

Un peu à la manière de ce qu’avait fait Yaël Braun-Pivet dans l’affaire Benalla, on comprend que Benjamin Haddad a tenté de circonscrire le scandale. Car le rapport confirme les révélations de l’été dernier : Emmanuel Macron, lorsqu’il était à Bercy, a cherché à peser pour qu’Uber obtienne des faveurs du gouvernement et des parlementaires.

Cas d’école (...)

D’abord, lorsqu’il était ministre de l’économie et qu’il s’érigeait en incarnation française de la modernité, le seul à même de comprendre la « start-up nation », Macron a favorisé l’arrivée d’Uber en France. Le gouvernement de l’époque était pourtant réticent.

Lors de son audition, le lanceur d’alerte à l’origine des Uber Files Mark MacGann, ancien lobbyiste en chef d’Uber en Europe, a expliqué qu’à partir du moment où Emmanuel Macron a rencontré les dirigeants d’Uber à Bercy en 2014, « tout a radicalement changé dans notre facilité de dialogue avec le gouvernement français. C’était assez inouï ». (...)

Et peu importe si Uber était par ailleurs, « sans le moindre doute, dans l’illégalité totale et permanente en France par rapport à la loi sur les transports, à la fiscalité, à l’Urssaf et à la DGCCRF... [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – ndlr] », a dit Mark MacGann. Une entreprise par ailleurs capable, comme le dit le rapport, de se doter d’un logiciel baptisé Casper dont le but était d’effacer les données des ordinateurs d’Uber lors des descentes de police.

Par échange de mails et de SMS, Macron a joué durant un peu moins de deux ans l’homme sandwich entre le gouvernement et Uber pour discuter mesure par mesure, de tous les freins à lever pour permettre le développement du service de véhicules de transport avec chauffeurs (VTC). (...)

Il y avait là une convergence idéologique entre le ministre et le groupe : rappelons qu’à l’époque le ministre de l’économie envisageait de réduire le nombre d’heures de formation dans plusieurs secteurs, notamment pour les coiffeurs et des ouvriers du BTP, dans ce qu’on aurait appelé la loi Macron 2, qui ne verrait finalement jamais le jour.
Développement exponentiel depuis 2017

Arrivé à l’Élysée, Macron a ensuite continué sur sa lancée, nous dit le rapport. Non pas que Uber se soit vu accorder moult faveurs depuis. C’est surtout son modèle qui s’est répandu dans de nombreux autres secteurs. (...)

Le gouvernement estime que la multiplication des travailleurs indépendants pour ces plateformes est l’un des éléments qui lui feront atteindre le plein emploi. Une vision que la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) est venue contredire encore récemment : « Si le travail de plateforme bouscule le salariat, il ne semble pas pour autant proposer de modèle d’emploi plus satisfaisant en termes de conditions de travail et d’emploi. Celles-ci sont souvent marquées par la précarité et les inégalités. » (...)

Uber plutôt que l’Europe sociale

Même au niveau européen, la Macronie semble se placer dans le camp des plateformes. Une directive européenne visant à instaurer une présomption de salariat pour améliorer les conditions des travailleurs des plateformes numériques est en effet à l’étude à Bruxelles. Or, ce fut longtemps un groupe de pays mené par la France d’Emmanuel Macron qui bloquait. Et qui fait désormais patiner les discussions. (...)

La France proposerait en fait une forme de « présomption d’indépendance » proche de ce que voudraient les plateformes, et donc d’entériner un statu quo par rapport à la situation actuelle, s’inquiétait Nicolas Schmit. Pour une fois que l’Europe se voulait sociale, la Macronie opte pour le choix inverse. Preuve, aussi, que les liens, au moins idéologiques, entre Emmanuel Macron et Uber ne sont pas totalement rompus.