
Alors que les « Gilets Jaunes » offrent à cette couleur à nouveau une actualité, il est utile de se plonger dans une belle monographie historique à propos des « Jaunes » d’il y a un siècle... (...)
Le fait a été peu relayé depuis l’apparition du mouvement « spontané » des « Gilets Jaunes », mais la couleur choisie pour ce mouvement (qui est tout bonnement celle des gilets de sécurité, rendus obligatoires dans nos voitures) n’est pas neutre politiquement, d’un point de vue historique (...)
Longtemps synonyme de « non gréviste » voire de « traître » ou de « vendu » dans le langage des grévistes et des manifestants, il est assez troublant de voir dans quelle mesure cette couleur trouve un sens politique différent aujourd’hui. De la même manière que les « Bonnets rouges » d’il y a quelques années, dont le parallèle (assez hasardeux a priori) avec les bonnets phrygiens de la Révolution française avait été tenté, de manière plus ou moins convaincante.
Il y a un peu plus d’un siècle en effet, plus précisément de 1899 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, le mouvement des « Jaunes » (ou Fédération Nationale des Jaunes de France) fut une aventure syndicale oubliée, justement restituée par un ouvrage de 2016 de l’historien Christophe Maillard (Un syndicalisme impossible ? L’aventure oubliée des Jaunes, éditions Vendémaire). Elle rassembla tout de même jusqu’à 100 000 personnes, soit autant que la CGT à la même période, c’est-à-dire au moment décisif de la Charte d’Amiens en 1906 et de la fondation de la SFIO en 1905. Dans son célèbre essai sur La Droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme , l’historien israélien Zeev Sternhell avait d’ailleurs vu le fondateur des « Jaunes », Pierre Biétry (devenu député de Brest de 1906 à 1910), comme l’un des précurseurs de l’idéologie réactionnaire pré-fasciste en France, eu égard à la dérive qui fut progressivement la sienne.
Cette couleur jaune, qui était déjà à l’époque symbole de trahison, a été choisie sciemment, en opposition au rouge et, derrière ce mot de « Jaune », devenu une insulte, Christophe Maillard nous apprend ainsi qu’il se cache des trajectoires individuelles d’ouvriers et d’artisans qui se définissaient eux-mêmes comme de « braves travailleurs » rejetant la lutte des classes (et le marxisme), la grève et l’affrontement au profit d’une entente avec les patrons et les structures traditionnelles de la société. Né au Creusot puis actif dans la région de Belfort et de Montbéliard, mais aussi à Dole, à Longwy, dans les secteurs du textile, de la métallurgie, partout où l’industrie est moderne et performante, le mouvement jaune fut important et mit en place des caisses d’assurance chômage et maladie, des soupes populaires et créa de nombreux journaux.
Comme le montre l’ouvrage dans un chapitre spécifique, leur lutte contre les « Rouges » fut particulièrement intense et marqua durablement la « Belle Epoque », y compris par des rassemblements violents (notamment au moment des grèves) (...)