
...Certes, il aura fallu du temps pour que les travaux qui, depuis les années 1990, ont porté au jour la logique néolibérale des transformations touchant le monde scolaire, universitaire et scientifique soient enfin entendus et que ces analyses deviennent comme des idées partagées. Longtemps les étudiants opposés à ces réformes qui faisaient progresser « par pièces détachées » le nouveau modèle de l’université entrepreneuriale (LOLF, LMD, LRU), ont été minoritaires, parfois même durement réprimés par la police, en tout cas régulièrement défaits faute d’avoir pu entraîner la masse des étudiants et surtout un corps enseignant par trop asthénique. La grande presse, collée paresseusement à la parole officielle, ne fit rien pour éclairer les enjeux et anticiper les étapes suivantes, pourtant guère difficiles à deviner. Il n’est peut-être pas trop tard pour inverser la tendance de ces dix dernières années en Europe et dans le monde...
...comprendre ce qui est en jeu, à saisir le sens global des réformes précédentes, la nature de la transformation du système université-recherche...
...« le commerce de cette marchandise virtuelle qu’est l’esprit aura lieu –a déjà lieu- à l’échelle mondiale, sans frontières et, pour l’instant sans contrôle clair. Marchandise impalpable, qui ne se transfert que d’esprit à esprit, se transporte aisément d’un bout à l’autre de la planète, a un coût, a un prix, une valeur marchande » (Claude Allègre, 26 mai, 2000)....
...Un double dogme s’est imposé : la recherche n’a de sens qu’appliquée, l’enseignement doit être professionnalisant. ...
...Il ne fallait surtout pas que les enseignants comprennent trop vite où tout cela les menait, vers quel type de changement on voulait les entraîner, du moins avant que la mutation de l’universsité en « Entreprise cognitive » n’ait atteint un stade irréversible. Le pouvoir a sous-estimé la capacité de mobilisation d’un milieu universitaire qui a supporté beaucoup d’affaiblissements, mais qui tient chèrement à ce qui lui reste de dignité et de liberté....