
En marge des protestations contre la réforme des retraites, en Bretagne les pêcheurs se mobilisent aussi pour exprimer leur ras-le-bol contre les crises qui pressurisent la filière, dont le prix du gasoil qui monte en flèche. Reportage.
« Quand j’ai commencé mon métier de caseyeur avec mon patron, nous avions 320 casiers et nous gagnions bien notre vie. Aujourd’hui, nous sommes quatre à bord et nous levons 900 casiers par jour pour seulement y arriver ». Le constat de Yann Didelot, patron-armateur du chalutier breton Komz me Rèr à Lorient (Morbihan), est sans appel. Une partie de la pêche française souffre des crises à répétition, comme celles du Covid et du Brexit. Les travailleurs du secteur s’étaient donné rendez-vous à Rennes le 22 mars. Ils étaient environ 500, essentiellement des marins-pêcheurs venus de la façade ouest des côtes françaises.
Sans slogan ni pancarte, ce rassemblement était prévu depuis quelques semaines. (...)
S’ils ne sont pas concernés par la réforme des retraites en raison de leur régime spécial, les pêcheurs en colère s’estiment en revanche accablés par l’inflation, la législation et les règlements. (...)
Augmentation du prix du gasoil, fermetures de zones de pêche, éoliennes en mer, quotas, interdiction d’ici 2030 du chalutage de fond dans les aires marines protégées, concurrence de la pêche industrielle... les griefs sont nombreux. (...)
Les dauphins de la colère
Le 20 mars, le Conseil d’État a décidé de fermer certaines zones de pêche « pendant des périodes appropriées » dans le golfe de Gascogne pour protéger les dauphins, « victimes de captures accidentelles lors des actions de pêche ». Des centaines de ces cétacés ont été retrouvés morts ces derniers mois sur les plages du littoral atlantique. Trois associations, Sea Shepherd France, France nature environnement et Défense des milieux aquatiques, ont donc saisi le Conseil d’État, qui a jugé que les dauphins sont « en danger sérieux d’extinction, au moins régionalement ».
Salutaire pour la survie de l’espèce, cet acte fort de la plus haute juridiction du pays ne passe pas chez certains acteurs de la filière de la pêche. (...)
Travailler plus pour compenser la hausse du gasoil
Au-delà du très médiatique sujet des marsouins, la colère générale exprimée à Rennes est alimentée par des causes similaires aux manifestations qui animent les villes françaises ces derniers jours. L’inflation et le pouvoir d’achat reviennent sur toutes les lèvres, ajoutés à une pénibilité au travail et un nombre d’heures passées à la tâche qui a peu d’équivalents dans le monde professionnel, agriculture mise à part. (...)
Le gouvernement français et l’Union européenne sont largement critiqués par les pêcheurs. Mais ils ont aussi un discours dur envers le président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, Olivier Le Nézet... qui est aussi à la tête du comité départemental des pêches maritimes du Morbihan, du comité régional des pêches de Bretagne, de l’association BreizhMer et qui est aussi PDG du port de pêche de Lorient. Ce cumul des fonctions ne passe pas auprès des contestataires.
Rejoints par des étudiants (...)
« Il faut investir massivement dans la transition au lieu de maintenir la filière sous perfusion avec les aides au gasoil », tranche Thibault Josse, de l’association Pleine mer. (...)
Le port du Morbihan était toujours bloqué lundi 27 mars, rejoint par celui de Boulognes-sur-Mer, dans le Nord. Dans le même temps, des pêcheurs bretons ont manifesté au domicile de la présidente de Sea Shepherd, dans le Finistère.