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Apartheid israélien : incultes ou malhonnêtes ?
/ dominique vidal Historien et journaliste
Article mis en ligne le 28 juillet 2022

Le projet de résolution de résolution de 38 députés condamnant le régime d’apartheid israélien a suscité une levée de boucliers. Sionistes de droite et de gauche ont rivalisé en insultes, injures et menaces : affirmer qu’Israël discrimine les Palestiniens serait antisémite. Mais aucun d’entre eux n’a daigné répondre sur le fond aux arguments des députés. Et pour cause...

Trente-huit députés français ont proposé à l’Assemblée nationale une résolution qui « tend à la condamnation de l’instauration d’un régime d’apartheid par Israël à l’encontre du peuple palestinien, tant dans les territoires occupés (Cisjordanie, incluant Jérusalem Est, et Gaza) qu’en Israël et appelle à son démantèlement immédiat (1) ».

Ce projet de résolution rappelle que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) a classé l’apartheid dans les crimes contre l’humanité. Il rappelle aussi que l’interdiction d’apartheid s’applique à tous les États sans exception comme une norme impérative du droit international. Par ailleurs, les signataires demandent à la France de reconnaître l’État de Palestine. Ils/elles rappellent enfin qu’à la suite de sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme et par le Conseil d’État, l’État français doit reconnaître que l’appel au boycott est protégé par la liberté d’expression.

À peine rendue publique hier, cette proposition a suscité une extraordinaire levée de boucliers. (...)

Tous s’accordent sur un point : constater qu’Israël pratique une forme d’apartheid serait antisémite. Mais aucun - AUCUN ! - de ces inconditionnels n’a daigné répondre sur le fond aux arguments des députés. Et pour cause ! (...)

Ce que MM. Francis Kalifat, Sylvain Maillard et Jérôme Guedj, entre autres, font tout d’abord mine d’ignorer, c’est que, de janvier 2021 à janvier 2022, trois grandes ONG de défense des droits humains, l’une israélienne - Betselem (2) - et les deux autres internationales - Human Rights Watch (3) et Amnesty International (4) - ont enquêté et rendu chacune un rapport concluant à l’existence d’un régime d’apartheid en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés. Ces trois ONG seraient-elles, comme les députés qui relaient leur analyse, antisémites ?

Ce que MM. Kalifat, Maillard et Guedj, entres autres, se gardent aussi de dire, c’est que la Knesset a adopté, le 19 juillet 2018, une loi fondamentale qui définit Israël, non plus comme « État juif et démocratique », mais comme « État-nation du peuple juif ». Son article 1 stipule : « Seul le peuple juif a droit à l’autodétermination nationale en Israël. » Cette législation a donc gravé l’apartheid dans le marbre constitutionnel et tranché au plus haut niveau le débat sur cette question. On pourrait s’arrêter là... (...)

Une dernière remarque. Personne ne détient la vérité absolue, pas plus moi que quiconque. Je ne confonds pas les incultes ou malhonnêtes dénoncés ci-dessus avec les points de vue - que je respecte - des ami(e)s doutant qu’Israël soit vraiment un État d’apartheid, ou que la référence de fait à l’expérience de l’Afrique du Sud soit pertinente, ou encore qu’il soit productif de soulever cette question. À une condition cependant : que ce désaccord soit argumenté et lesdits arguments sourcés (8). L’hystérie n’a jamais convaincu personne. Pas plus que le chantage à l’antisémitisme qui - faut-il le rappeler ? - n’est pas seulement obscène, mais aussi dangereux : parce qu’il banalise un danger bien réel.