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Basta !
Le prix exorbitant de certains traitements menace l’universalité de notre modèle de santé
Article mis en ligne le 24 novembre 2018
dernière modification le 22 novembre 2018

Pour la deuxième année consécutive, Basta ! a établi un classement des médicaments les plus remboursés par la sécurité sociale, en 2017. Un constat se confirme : les médicaments dits innovants, qui visent principalement le cancer, coûtent de plus en plus cher à notre système de santé. De nombreuses institutions s’en alarment. A cause des traitements trop onéreux, les médecins devront-ils, demain, choisir d’allouer certains médicaments à une partie seulement des patients ?

Une question de vie… ou de mort. Pour des raisons budgétaires, les médecins réserveront-ils certains nouveaux médicaments à quelques patients uniquement ? Des médicaments utiles et efficaces devront-ils être progressivement dé-remboursés afin de financer l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments présentés comme plus innovants, mais plus chers et donc moins accessibles ? Ces scenarii risquent fortement de devenir réalité dans les années à venir, si rien n’est fait pour juguler l’augmentation exponentielle du coût des médicaments présentés comme étant « innovants », notamment contre le cancer. L’explosion des coûts des médicaments contre le cancer fait peser un risque de rupture d’égalité dans l’accès à tous les patients aux traitements dont ils ont besoin. (...)

Augmentation impressionnante des dépenses de médicaments remboursés par la Sécu
Premier enseignement : les dépenses de médicaments remboursés par la sécurité sociale ont largement cru au cours des 15 dernières années. Pour les médicaments vendus en pharmacie, les remboursements de la Sécurité sociale ont augmenté de 74 % entre 2001 et 2017 (de 10,8 milliards à 18,8 milliards en 2017), malgré une forte baisse des remboursements entre 2014 (20,188 milliards d’euros) et 2016 (18,789 milliards d’euros) qui suivait une très forte hausse en 2012 (20,4 milliards d’euros) par rapport à 2011 (15,4 milliards d’euros). Les médicaments distribués par les hôpitaux à des patients non-hospitalisés ont cru de 112 % entre 2010 et 2017. Et ceux de la liste « en sus », dont la majorité servent à lutter contre le cancer, ont bondi de 219 % entre 2005 et 2017 ! La totalité de ces traitements remboursés a quasiment cru de 29 % entre 2010 et 2017, les huit années pour lesquelles nous avons accès aux trois bases de données (4). (...)

Le cancer trône parmi les pathologies les plus coûteuses

D’après le classement que nous avons effectué, les 10 produits les plus onéreux représentent presque trois milliards d’euros de remboursements. (...)

Sans juger de l’efficacité de ces traitements, qui apportent parfois de réelles avancées thérapeutiques, ces prix sont-ils justes ? Il est rare de pouvoir obtenir des informations sur les coûts de développement et de production d’un médicament. D’après Médecins du Monde, un traitement de Sovaldi (en 66e position en 2017) pour une personne coûterait entre 75 et 90 euros. Le Sovaldi, qui fut pendant plusieurs années le produit phare contre l’hépatite C, est aujourd’hui vendu et remboursé plus de 20 000 euros en France ! Certes, ce coût de production n’inclut pas les investissements initiaux de la firme, Gilead, pour acquérir la formule du Sovaldi en rachetant l’entreprise Pharmaset, au moins 11 milliards d’euros, en 2011. Mais entre 2014 et 2016, Gilead a réalisé 43,7 milliards d’euros de profits nets ! De quoi rembourser aisément cet investissement initial. La compagnie étasunienne a depuis développé deux autres médicaments contre l’hépatite C, le Harvoni et l’Epclusa, qui atteignent la 9e et la 16e places de notre classement.

Des médicaments très onéreux à l’unité… (...)

Une concurrence et un écosystème qui font exploser les prix
Pour justifier des prix parfois exorbitants, l’industrie pharmaceutique avance un même argument : les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain. Un argument mis en avant auprès des députés (lire l’article « Loi de financement de la sécu : les députés médecins votent-ils sous l’influence des labos ? »). L’éco-système dans lequel évoluent ces sociétés est en effet constitué d’externalisations et de rachats de sociétés qui poussent sans cesse les entreprises à investir des sommes toujours plus élevées. Elles fixent ensuite des prix exorbitants pour récupérer ces investissements… et en faire de nouveaux. « C’est la concurrence entre les laboratoires qui, selon la loi de l’offre et de la demande, fait augmenter les prix », explique à Basta !, Olivier Maguet de Médecins du Monde. « Les prix se situent aujourd’hui entre 25 et 30 milliards d’euros pour l’achat d’une innovation » Contre 11 milliards de dollars pour le Sovaldi, en 2011.

Les anti-cancéreux ont vu leur prix doubler en 10 ans.

Les spécificités de ce marché économique provoquent une envolée des prix. (...)

Affaiblissement de l’universalité du modèle français
Quoiqu’il en soit, les logiques à l’œuvre dans le secteur des médicaments risquent à moyen terme d’avoir des conséquences très concrètes sur les comptes de l’assurance maladie. « Les prix des nouveaux anticancéreux ont explosé en vingt ans et menacent l’accès aux soins, l’efficience et la soutenabilité des dépenses pour les Etats », alerte l’OCDE dans un rapport de janvier 2017. Les pratiques médicales pourraient aussi être impactées. « Les médecins pourraient être limités ou amenés à se restreindre eux-mêmes, dans la prescription de certains médicaments coûteux, avance le Cese. D’ores et déjà, des restrictions de prescriptions et des hiérarchisations ont été observées. »

Sans action publique forte, note le Cese, le système français se trouve face à des risques très concrets d’affaiblissement de l’universalité de son modèle :