La crise humanitaire déclenchée par la sécheresse en Somalie a encore une fois attiré l’attention sur le lien étroit qui existe entre les phénomènes météorologiques extrêmes et la sécurité alimentaire. Mais quels sont ces liens exactement ? Et que peuvent faire les agriculteurs des pays en développement pour atténuer les effets négatifs du changement climatique ? Cette série de questions-réponses donne un aperçu général des principaux enjeux, en faisant la part belle aux petits paysans africains.
Qu’est-ce que la sécurité alimentaire ?
On pourrait croire que cette expression n’est qu’un terme spécialisé utilisé dans le jargon humanitaire pour désigner le fait d’avoir assez à manger et de savoir comment se procurer son prochain repas. Mais la sécurité alimentaire est un concept complexe qui a beaucoup évolué avec le temps. Selon la définition actuelle du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, les populations sont dites en situation de sécurité alimentaire lorsqu’elles « ont, à tout moment, un accès à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de mener une vie saine et active ». Autrement dit, il ne s’agit pas seulement d’être en sécurité maintenant, mais dans un avenir proche ; et il ne s’agit pas non plus seulement de pouvoir se nourrir, mais de pouvoir le faire correctement et de pouvoir préparer ses repas sans risques. Le terme « accès » est fondamental dans cette définition : même lorsque les marchés ou les granges regorgent de denrées, la population peut être en situation d’insécurité alimentaire si elle n’a pas les moyens d’acheter ces produits ou n’a rien à troquer en échange. Il arrive même que des famines surviennent alors que la nourriture ne manque pas, mais qu’elle est tout simplement inabordable. (...)
Quelle est l’incidence du changement climatique sur la sécurité alimentaire ?
Le changement climatique a comme principale conséquence d’augmenter la fréquence et la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, les canicules et les variations dans les régimes de précipitation. La hausse du niveau de la mer due au changement climatique entraîne l’érosion des côtes et la perte de terres arables. Quant à l’augmentation des températures, elle favorise la prolifération des mauvaises herbes et des nuisibles et menace la viabilité des zones de pêche.
Tout cela a un impact sur la production agricole, dont dépend la sécurité alimentaire de la plupart des habitants des pays en développement. (...)
Le changement climatique est donc considéré comme la plus grande menace qui pèse sur les petits paysans, dont on estime le nombre à 500 millions dans le monde.
D’après le PAM, « [l]’évolution des conditions climatiques a déjà une incidence sur la production de certaines denrées de base et le changement climatique à venir menace d’exacerber ce problème. La hausse des températures aura un impact sur les cultures et la modification du régime des précipitations pourrait affecter la qualité et la quantité de la production agricole. »
Ce sont les populations les plus pauvres qui souffrent le plus de la hausse du prix des céréales et du recul des rendements, car ce sont elles qui consacrent la plus grande partie de leurs revenus à l’alimentation. À long terme, le changement climatique pourrait « créer un cercle vicieux de maladie et de faim », avertit le PAM.
À l’horizon 2050, la malnutrition infantile devrait être de 20 pour cent supérieure à ce que l’on observerait en l’absence de changement climatique. (...)
Pourquoi l’agriculture en Afrique est-elle particulièrement vulnérable ?
En Afrique subsaharienne, les petits paysans génèrent 80 pour cent de la production agricole. La plupart des terres n’étant pas irriguées et les sources d’eau fiables devenant de plus en plus rares, les cultures dépendent généralement des précipitations, que le changement climatique rend de moins en moins régulières et prévisibles.
Sur le continent africain, les activités agricoles ont souvent lieu dans zones marginales telles que les plaines inondables, les déserts et les flancs de coteaux, où les perturbations météorologiques plus fréquentes que jamais détériorent gravement les sols et les cultures. Le climat a toujours connu des variations, mais le rythme et l’intensité actuels de ces changements rendent les méthodes traditionnelles d’adaptation insuffisantes.
Les millions d’éleveurs de bétail des régions d’Afrique les plus arides sont particulièrement vulnérables aux phénomènes météorologiques extrêmes, comme le démontre la sécheresse qui touche actuellement la Somalie et le Kenya. (...)
Selon le quatrième rapport d’évaluation de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, « l’Afrique est probablement le continent le plus vulnérable au changement climatique. Le continent risque notamment d’être confronté à une baisse de la sécurité alimentaire et de la productivité agricole — surtout en ce qui concerne l’agriculture de subsistance —, à une hausse du stress hydrique et, à cause de ces deux premiers facteurs et d’une exposition potentiellement plus importante aux maladies et autres problèmes sanitaires, à une plus grande vulnérabilité en matière de santé humaine. » (...)
Que peuvent faire les paysans africains ?
On désigne par le terme « adaptation » les ajustements réalisés pour atténuer les effets du changement climatique et les risques que celui-ci implique à l’échelle internationale, nationale ou locale. Les petits paysans qui sont confrontés à des bouleversements météorologiques et autres phénomènes liés au changement climatique utilisent déjà différentes méthodes d’adaptation. Ils diversifient par exemple leurs cultures et pratiquent la rotation des parcelles, ils s’investissent dans des activités non agricoles génératrices de revenus, ils adaptent leur calendrier de semis, préservent l’eau et les sols, façonnent des systèmes d’irrigation et des protections contre les inondations, utilisent davantage d’intrants tels que les engrais, sèment des graines améliorées, plantent des arbres ou associent cultures et bétail.
Les agriculteurs ont besoin de l’aide de leurs États respectifs pour faire les bons choix en matière d’adaptation. Cette assistance peut prendre la forme de prévisions météorologiques plus fiables et localisées, de subventions aux intrants, de conseillers agricoles correctement formés, de meilleurs services vétérinaires, de financements dans la recherche agricole et d’améliorations des infrastructures rurales telles que les réseaux routiers. (...)