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Le mirage de la violence
Article mis en ligne le 25 février 2014

Les provocations de samedi ont mis en danger les manifestants et affaiblissent la lutte.

La manifestation qui s’est déroulée le samedi 22 février à Nantes est une étape notable dans l’histoire de la lutte contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.

Les médias institués auront retenu l’aspect spectaculaire de la confrontation de plusieurs centaines de provocateurs, venus pour en découdre, avec les forces de police. Cette violence a permis au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, de réagir presque en direct, en fin d’après-midi, pour la stigmatiser et donner le ton de la réaction officielle.

Mais cette expression violente ne saurait faire oublier l’autre volet crucial de cette folle journée de Nantes : une mobilisation jamais atteinte dans la ville même, avec plus de trente mille manifestants et plus de cinq cents tracteurs. Ce succès atteste que la détermination populaire contre ce projet d’aéroport reste extrêmement forte. (...)

L’avertissement qu’ont voulu lancer les initiateurs de la violence, et le message qu’adressent les asssociations en commun, est clair : si le pouvoir décide de réoccuper la Zad, la défense sera extrêmement vigoureuse.

La manifestation prise en otage

On ne saurait dire si ce type de proclamation est très utile. Mais dans un contexte où le pouvoir a cédé plusieurs fois face aux manifestations – qu’il s’agisse de l’écotaxe ou de la loi sur la famille -, il serait paradoxal qu’il vienne tenter d’affirmer une autorité vacillante en réoccupant la Zad de Notre Dame des Landes.

Il n’en reste pas moins que cette afffirmation violente a fait reculer la lutte auprès de l’opinion publique. Celle-ci est globalement neutre sur ce projet d’aéroport, et plutôt en empathie avec les opposants. Mais les images de pavés lancés par des jeunes gens camouflés et de bataille de rue n’ont certainement pas fait pencher la balance du bon côté.

Et d’autant moins que cette violence a un sens politique douteux : autant elle peut avoir un sens quand il s’agit de se défendre face à une invasion policière, autant elle perd de sa force quand elle se projette en provocation.

Elle a de surcroît pris en otage la manifestation. (...)

En revanche, l’image de violence projetée par la manifestation l’a détournée de son but. Il ne fait pas de doute que les images des désordres à Nantes vont marquer l’opinion publique et être utilisés par les promoteurs du projet, sur le mode d’un syllogisme simplificateur : « Les opposants sont violents, donc il est légitime de faire l’aéroport ».

Au demeurant, les lieux détruits ont été précisément choisis : un bureau de la société Vinci, et deux agences de voyage, l’une de la SNCF (contre le projet Lyon-Turin), et l’autre de Nouvelles frontières (qui promeut des voyages en avion). Il n’y a pas eu de destruction généralisée, de volonté de saccage, de pillage. Les destructions avaient un sens politique, comme l’ont été le tagage d’un commissariat ou de l’hôtel de ville ou la destruction de deux engins de chantier. En même temps, il y a eu volonté de provoquer des gendarmes et CRS, massivement présents dans la ville, avec jets de projectiles, fusées, et bientôt pavés de la ligne de tramway, tandis qu’un bureau de cette ligne était incendié.

Mais au final, la ville de Nantes n’a pas été mise à feu et à sang, et dès samedi soir, rue de Strasbourg, les voitures des fêtards réoccupaient les trottoirs sans inquiétude

« Pour défendre notre terre, nous sommes prêts à la violence »

Il n’en reste pas moins que la manifestation a largement échappé à ses organisateurs, et que l’image des affrontements a fait le délice des télévisions et sans doute jeté l’effroi dans nombre de foyers.

Comment ont réagi les forces en présence ? (...)

Le mouvement de lutte contre Notre Dame des Landes doit réfléchir et assumer pleinement ses responsabilité : anarchistes, citoyennistes, paysans, écologistes, zadistes, et opposants de tout poil ne gagneront la bataille que s’ils restent unis et évitent une violence stérile. Le but premier n’est pas de déclencher « l’insurrection populaire », mais d’empêcher la réalisation d’un projet absurde et de mettre en œuvre des modes de vie différents, anticapitalistes, écologistes et émancipateurs.