
Nul besoin de croire aux prédictions du calendrier maya pour se sentir morose : même si on ne redoute pas que le 12/12/12 (ou quelque autre date saisissante) voie s’éteindre d’un coup la quasi-totalité de l’humanité, il devient vraiment difficile de ne pas remarquer l’ensemble des calamités qui menacent cette même humanité. La seule consolation, c’est qu’au rayon « angoisses et cauchemars », on a l’embarras du choix.
Le cinéma en offre une sensationnelle déclinaison : météorites agressives, pandémies colossales, vertiges de la génétique et de la robotique… Que le danger soit naturel ou né des tentatives des hommes, ces derniers sont au bord du gouffre, la dernière heure de leur espèce va bientôt sonner. Les films de science-fiction d’avant-avant-hier (les années 1950) proposaient souvent, en pleine guerre froide, de vaincre l’alien, qui, à défaut d’être carrément rouge, était remarquablement repoussant et absolument infrahumain (1). Depuis une quinzaine d’années, sur fond de rayonnement de l’écologie et d’interrogation sur les limites humaines, c’est une sorte de punition collective, nourrie de défiance envers la science, que mettent en scène les grosses machines hollywoodiennes. (...)
Les diverses apocalypses et leurs lendemains qui humilient les hommes peuvent alors être considérés comme autant d’incitations à « penser la catastrophe » (6) : comme l’écrivait Emmanuel Kant dans La Fin de toutes choses, « les signes annonciateurs du dernier jour (…) sont tous du genre terrifiant. Certains les reconnaissent dans le triomphe de l’injustice, dans l’oppression des pauvres (…). D’autres les voient dans des changements inhabituels de la nature, comme des tremblements de terre, des inondations, ou des comètes et des météores (7) ».
On peut alors envisager que l’autre nom de la catastrophe soit le surgissement d’une « puissance collective révolutionnaire (8) »…