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Le capitalisme vit une crise existentielle
1er novembre 2011 Christian Arnsperger -économiste et épistémologue, chercheur au Fonds National de la Recherche Scientifique de Belgique.
Article mis en ligne le 1er novembre 2011

"C’est parce que l’on n’a pas confiance dans la vie et dans l’avenir, qu’on consomme, qu’on surconsomme et qu’on se lance sans arrêt dans une course compétitive."

Christian Arnsperger - 1er novembre 2011

Quand je parle de crise existentielle, je veux dire qu’en réalité les racines de cette crise sont existentielles et se trouvent en chacun de nous. On pourrait aussi parler d’une crise anthropologique. On oppose souvent crise financière et crise économique dans l’économie réelle. Je crois que ce n’est pas une bonne distinction parce que la finance n’est que la contrepartie plus abstraite de nos pulsions de possession et d’accumulation. L’argent qui circule dans la finance symbolise non seulement « mon pouvoir d’avoir » mais aussi mon pouvoir de commander le travail d’autrui à mes propres fins. Pourquoi chacun de nous aspire-t-il à ce pouvoir ? Pourquoi voulons-nous tous posséder et accumuler ? (...)

La logique géniale ou diabolique du capitalisme, est de jouer sur la confusion entre « besoins » et « envies ». Le capitalisme a fini par nous faire prendre nos envies pour des besoins. C’est pourquoi nous courons après la consommation et l’accumulation. (...)

De surcroît, il introduit une obligation de croissance car toute cette machine se base essentiellement sur le crédit et l’endettement. Nous sommes donc dans une sorte de machine infernale où ces trois éléments tournent en boucle.
(...)

On ne peut pas se passer de l’économie, mais on peut et on va devoir se passer du capitalisme. Cette crise existentielle de l’économie est une crise vraiment essentielle du capitalisme, le symptôme d’un malaise profond. (...)

ce qui ressort de mes travaux de recherche en philosophie de l’économie, c’est que la consommation, l’investissement et l’accumulation capitaliste sont eux-mêmes un symptôme du manque de confiance fondamental dans la vie et dans l’avenir. (...)

En fait, le capitalisme a des racines religieuses anciennes. C’est une religion matérielle. Si je parle de crise existentielle c’est parce que nous ne pouvons pas nous passer, en tant qu’être humain, d’une réponse à notre manque profond, à notre angoisse existentielle, qui nous assigne notre humanité. L’expérience occidentale capitaliste était une tentative de combler cette angoisse d’être en lui fournissant de l’avoir. Elle a longtemps donné des bénéfices et puis maintenant elle commence à montrer ses limites. (...)

on a construit pendant des siècles une culture basée sur le remplissage matériel, et symbolique aussi, d’un vide existentiel profond qui nous fait progressivement prendre les biens matériels, mais aussi les images, les idées, pour ce que j’appellerais des biens spirituels. Et du coup, on fait mine d’avoir confiance dans la vie en accumulant, en consommant, alors qu’en fait cette accumulation et cette consommation sont radicalement des manques de confiance dans l’avenir et dans la vie même. (...)

En vérité on a le choix entre deux remèdes. Un remède choc qui consiste à administrer à la machine économique un antibiotique tel que le virus endémique soit éradiqué, mais alors on sort du capitalisme… ou bien…un remède qui est celui qui a été choisi et qui consiste à mettre le malade sous perfusion. Le virus pourra continuer à agir dans l’organisme et va donner lieu à des rechutes constantes et permanentes, mais qu’on utilisera à chaque fois comme prétexte pour une nouvelle relance… Mais, en principe également, on pourrait assister à un scénario où plus personne ne veut des bons d’Etat américain, par exemple, ou français, ce qui précipiterait vraiment les Etats dans des catastrophes budgétaires majeures. L’affaire grecque n’est qu’un micro exemple de ce qui pourrait se passer à beaucoup plus grande échelle (...) .

Il y a deux choses essentiellement à faire : d’une part, promouvoir par l’éducation, par les médias, une nouvelle vision de l’éthique et, d’autre part il est très important de promouvoir chez les citoyens que nous sommes un sursaut d’autocritique parce que nous sommes tous partie prenante dans ce système. Il ne faut pas croire qu’il y a les méchants et les gentils. Nous sommes tous, en tant que consommateurs, investisseurs, rentiers, partie prenante dans ce système d’angoisse. (...)

Je propose la mise en œuvre de trois sortes d’éthiques. Premièrement une éthique de la simplicité volontaire, un retour vers une convivialité beaucoup plus dépouillée… Deuxième éthique : une démocratisation radicale de nos institutions, y compris économiques, allant jusqu’à la démocratisation des entreprises… Et troisièmement : une éthique de l’égalitarisme profond, allant jusqu’à « une allocation universelle », c’est-à-dire un revenu inconditionnel de base versée à tous les citoyens…
(...)

Je ne crois pas tellement pour l’instant au passage par le politique traditionnel. Ma visée consiste à toucher les mouvements citoyens qui sont beaucoup plus à même de prendre en main un destin collectif. Les politiques sont dans le court terme parce que c’est ainsi que la démocratie fonctionne. (...)

il faut changer les règles du système, il faut… très bien, mais les règles du système ne seront pas endossées par les gens s’il n’y a pas un changement des mentalités. Je pense qu’il faut un changement vraiment radical de vision, de compréhension de ce qui nous fait participer à ce système (...)

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